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des croisières européennes contre les corsaires barbaresques avant la prise d’Alger. Le respect scrupuleux des traités lui interdisait d’appliquer à cette situation intolérable le seul remède efficace, c’est-à-dire la punition des forbans dans leur repaire lui-même. Cette servitude politique prit fin à partir de 1870, et voilà, sinon l’occasion déterminante, au moins ce qu’on peut appeler la cause générale de la guerre d’Atchin.

Le royaume d’Atchin, ou d’Achem, ou d’Atieh, — car ce nom, qui, sans doute par antiphrase, signifie séjour de la paix, a beaucoup varié en Europe, et en tout cas l’n finale de la forme devenue la plus usitée est une addition arbitraire, — s’étend au nord-ouest de Sumatra sur un espace qu’on peut évaluer à une fois et demie la grandeur des Pays-Bas. C’est surtout dans les plaines alluviales du littoral que la population est condensée; divers indices, entre autres la faible quantité de sel qui passe des côtes dans l’intérieur, donnent lieu de penser que les habitans des districts montagneux sont très clair-semés. Cet intérieur du reste est jusqu’à présent inexploré. Ce que nous avons dit en général de l’île de Sumatra s’applique au pays d’Atchin sans différence essentielle. C’est le poivre qui constitue la principale denrée d’exportation. La capitale, si du moins on peut donner ce nom à une agglomération de kampongs ou petits villages groupés dans le voisinage de la résidence du sultan, est située tout au nord, à 6 kilomètres environ de l’embouchure de la rivière d’Atchin, large d’une quarantaine de mètres, profonde de 1 à 2 mètres, et que de légers navires peuvent remonter quelque temps. Le noyau proprement dit du royaume est ce qu’on appelle le Grand-Atchin, lequel se compose de trois provinces portant les noms assez bizarres de XXVI, XXII et XXV Moukim, Un moukim est une sorte de canton formé par la réunion de plusieurs kampongs, et ces noms indiquent simplement le nombre de cantons ou moukim qui forment chaque province. Chaque moukim à l’origine représentait une population d’un millier d’âmes, mais cette proportion depuis longtemps est purement fictive. A prendre les choses en gros, on peut dire que les XXVI Moukim sont situés entre la mer et la rive droite de la rivière d’Atchin, les XXV sur la rive gauche, et les XXII plus à l’intérieur, s’adossant aux montagnes. C’est de ce milieu que surgit une puissance militaire qui s’imposa aux états voisins, d’abord à Pédir, royaume qui s’étend au nord-est des XXVI Moukim le long de la côte, et dont Atchin avait été longtemps une dépendance, puis, sur les deux côtes, aux pays limitrophes qui devinrent autant de districts vassaux et tributaires du sultan d’Atchin. A peu près au centre des trois groupes originels de Moukim, à une heure de marche environ de l’embouchure de l’Atchin, mais sans route qui y mène le long de la rivière, se trouve le Kraton, principale résidence