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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 4.djvu/148

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et forteresse du sultan. C’est une sorte de parallélogramme, traversé par un cours d’eau, défendu par des murs de pierre munis d’artillerie et d’un abord très difficile. La constitution politique est de nom absolutiste, comme il convient à un état musulman; mais en réalité c’est une sorte d’oligarchie concentrée dans les panglimas ou chefs héréditaires des groupes de Moukim, qui forment, avec quelques hauts fonctionnaires, à titre également héréditaire, le conseil suprême du royaume. Ils nomment et déposent de fait, sinon de droit, les sultans, et ne professent qu’une déférence médiocre pour leur autorité. Parmi eux, le plus intéressant pour les Européens est le schahbandar, tout à la fois collecteur d’impôts, préposé au commerce avec les étrangers et s’y adonnant très souvent lui-même, soit pour son compte, soit dans l’intérêt du sultan. Les revenus du prince sont fournis par les droits d’entrée et de sortie ainsi que par les tributs des pays vassaux.

La population atchinoise proprement dite, qu’il ne faut pas confondre avec les Malais tributaires, présente des caractères assez différens des autres peuples de Sumatra pour que les voyageurs les plus compétens leur aient assigné une origine distincte<ref> Pour ces détails, ainsi que pour l’histoire du sultanat d’Atchin, nous avons puisé principalement dans deux monographies hollandaises d’un mérite sérieux, Atjih en de Atjinesen, par A. J. A. Gerlach, ancien colonel d’artillerie, Arnhem 1873, et Atchin en zyne betrekkingen tot Nederland (Atchin et ses rapports avec la Néerlande), par P. J. Veth, professeur à Leide, ibid, 1873. </<ref>. Les Atchinois sont plus grands et mieux bâtis que leurs voisins, et rappellent par certains traits physiques les Cingalais des côtes de Coromandel et du Malabar. Ils parlent une langue à part. Cependant la langue littéraire, — car ils ont une littérature indigène, — est le malais, et l’on peut dire qu’ils ont le caractère malais exagéré. Ils eurent de bonne heure la plus mauvaise des réputations auprès des Européens qui s’aventurèrent dans ces régions océaniennes. A la fois audacieux et perfides, entreprenans et paresseux, commerçans et pillards, considérant la piraterie comme une œuvre pie du moment qu’elle s’exerce contre des infidèles, et comme très vénielle contre leurs coreligionnaires, âpres au gain, passionnés pour les jeux de hasard et les combats de coqs, grands fumeurs d’opium, portant très haut le sentiment de leur valeur militaire et d’un passé qui n’est pas sans gloire, ils comptent parmi les peuples les plus « difficiles à vivre » de l’archipel malais. Une sorte de brutalité cynique semble faire le fonds de leur nature. Ils aiment à marcher toujours armés, et grâce aux vendettas et à leur tempérament colérique, cette coutume provoque souvent parmi eux des rixes sanglantes. Ajoutons qu’ils étalent des vices sans nom avec une impudente effronterie. Les plus aisés vivent publiquement avec leurs