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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 4.djvu/150

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de la presqu’île de Malacca. Le commerce et la culture en grand du poivre florissaient. Les portes du Kraton étaient plaquées d’argent ; les sultans avaient un nombreux sérail. Une garde de 3,000 femmes et de 500 eunuques veillait sur leurs précieux jours ; 200 cavaliers patrouillaient chaque nuit autour de la résidence. Atchin pouvait mettre en ligne 200 canons et 100 éléphans armés en guerre. Tout cela, dans ces parages, représentait une puissance colossale. Aujourd’hui ce n’est plus qu’un souvenir, mais un souvenir passé à l’état de légende et qui explique jusqu’à un certain point l’audacieuse confiance de ce peuple et ses forfanteries habituelles.


II.

Les origines de la nation atchinoise, comme celles de tous les peuples de Sumatra, se perdent dans un chaos mythologique dont elles ne sortiront probablement jamais. Il paraîtrait que, vers le Ier siècle de notre ère, des immigrans venus des Indes y apportèrent le commerce et une certaine civilisation. Du IVe au VIe siècle, on peut signaler des relations commerciales avec la Chine et des pèlerinages bouddhistes, qui donnent lieu de croire que le bouddhisme avait remplacé le naturalisme brahmanique dans les croyances populaires. Le crépuscule de l’histoire commence seulement à se lever avec l’arrivée d’un missionnaire musulman qui, selon les chroniques indigènes, vint dans les premières années du XIIIe siècle répandre l’islam au nord de Sumatra. Cet apôtre du Coran fit brillante carrière, il épousa une fille du pays, devint quelque chose comme le souverain d’Atchin, et fit souche d’une dynastie qui régna jusqu’à la fin du XVe siècle. Il est toutefois à présumer qu’Atchin était encore et fut jusqu’au XVIe siècle un état vassal de Pédir. Du moins les Portugais affirment que, lorsqu’ils abordèrent dans ces parages, le roi de Pédir était suzerain d’Atchin. Ce serait un certain rajah Ibrahim, fils du gouverneur d’Atchin, qui se révolta, fit mourir son père dans une cage, et en 1521 repoussa les Portugais en leur prenant de l’artillerie dont il se servit pour faire la conquête de Pédir et du pays de Pasei sur la côte orientale.

Depuis 1527, les Atchinois et les Portugais se firent une guerre acharnée. Déjà les chroniques portugaises se plaignent de la mauvaise foi des Atchinois, qui attiraient chez eux des navires européens en feignant des dispositions amicales et les pillaient après avoir fait périr les équipages. Les chroniques indigènes en revanche décernent de grands éloges à un sultan atchinois du nom d’Aladdin, qui continua les conquêtes de ses prédécesseurs dans l’île de Sumatra, fixa la législation, éleva les fortifications d’Atchin, et tâcha