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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 4.djvu/151

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deux fois, mais en vain, d’enlever Malacca aux Portugais. Le premier, il chercha à nouer une alliance avec le sultan de Constantinople, et déjà nous pouvons signaler la tendance devenue traditionnelle chez les souverains d’Atchin à chercher dans les rivalités des puissances européennes le moyen d’échapper aux dangers dont ils se croyaient menacés par l’une d’elles. Ce trait est rare dans l’histoire des populations asiatiques, et dénote un certain raffinement diplomatique. Les successeurs immédiats d’Aladdin ne sont pas très intéressans. L’un d’eux, type de cruauté, n’avait d’appétit qu’à la condition d’avoir vu couler du sang. En 1567, le sultan Mantsour-Shah inaugure un nouveau règne glorieux. Il forme à plusieurs reprises des coalitions contre les Portugais, équipe des flottes pour le temps formidables, échoue encore contre Malacca, mais défie de son côté les attaques portugaises et conquiert l’état de Djohor, situé dans la presqu’île même de Malacca. Il meurt assassiné; sous son successeur, la politique atchinoise change de face. De meilleures relations commencent à se former avec les Portugais, et la raison en est simple : d’autres marines européennes montraient déjà leur pavillon dans les mers malaises, et il fallait tâcher de les neutraliser l’une par l’autre.

En effet, deux navires néerlandais de Middelbourg, commandés par les deux frères Frédéric et Corn élis Houtman, parurent en 1599 sur les côtes d’Atchin. Ils voulaient seulement acheter du poivre. On commença par leur en promettre tant qu’ils en voudraient; puis, sous couleur d’une visite amicale et pendant que Frédéric était à terre avec quelques matelots, le schahbandar se rendit à bord, escorté d’une suite nombreuse, enivra Cornelis et son équipage, et, quand il crut le moment favorable, il donna le signal du massacre; mais les marins zélandais furent promptement dégrisés en voyant tomber leurs camarades, ils se battirent en désespérés et réussirent à jeter à la mer leurs fâcheux visiteurs. A terre, Frédéric et ses matelots furent ou tués ou réduits en esclavage. Frédéric fut de ces derniers. Après une tentative manquée pour délivrer les prisonniers, les Zélandais durent prendre le large. L’année d’après, deux vaisseaux d’Amsterdam, commandés par Paulus van Caerden, jetaient l’ancre en rade d’Atchin. De nouveau le sultan fut on ne peut plus gracieux, mais van Caerden se défiait. Il réclamait avant tout du poivre et les prisonniers zélandais. Sa prudence était d’autant plus de saison que Frédéric Houtman parvint à tromper la surveillance dont il était l’objet, et vint à bord lui révéler qu’on préparait contre lui et son équipage une perfidie nouvelle. Son devoir rempli, le brave homme, ne voulant pas être cause du supplice de ses gardiens, retourna volontairement, nouveau Régulus,