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au moins indirectement, la souveraineté conservée par les Hollandais sur la presqu’île. Il y avait là un monde très mélangé, mais remuant, de négocians, d’aventuriers, de Chinois, qui était ou se croyait intéressé à restreindre le plus possible les progrès de l’autorité néerlandaise, qui jetait des cris de paon dès que celle-ci faisait un pas en avant, et qui assiégeait de continuelles doléances le gouvernement britannique. En un mot, depuis le recouvrement de ses colonies malaises, la Hollande se trouva dans une position souvent délicate vis-à-vis de sa voisine, alors très ombrageuse. Le traité conclu à Londres en 1824, dans le dessein d’aplanir les difficultés de la situation, ne fit, par rapport à Atchin, que régulariser ce qu’elle avait d’intolérable.

Ce traité avait pourtant été formulé à bonne intention. La Hollande renonçait à ses droits sur la presqu’île de Malacca et à toute réclamation contre l’établissement anglais de Singapour. En revanche, les Anglais, qui avaient conservé quelques points, entre autres le fort Marlborough, sur la côte ouest de Sumatra, en faisaient l’abandon ; de plus ils se désistaient de toute ingérence dans les affaires intérieures de l’île. Les Hollandais pourraient dorénavant traiter directement avec les états indigènes sans avoir à craindre d’immixtion étrangère : ils pouvaient toujours, il est vrai, prélever des droits différentiels sur les navires étrangers ; mais telle était encore la force du préjugé protectioniste, que l’Angleterre s’estimait satisfaite par la clause qui interdisait à la Hollande de frapper les navires anglais d’un droit dépassant le double de la taxe d’importation et d’exportation qui frappait ses propres navires. Il y avait toutefois dans les appendices de la convention des déclarations équivalant à des engagemens formels, tout à fait spéciales au sultanat d’Atchin. D’un côté, l’Angleterre désirait que la Néerlande garantît la sécurité des transactions contre les habitudes de piraterie atchinoise, dont elle avait eu récemment à se plaindre; de l’autre, elle ne se souciait pas alors de voir le territoire d’Atchin passer sous la suzeraineté néerlandaise, et elle se portait en quelque sorte patronne de l’indépendance du sultan. Les Néerlandais s’engageaient positivement à respecter l’indépendance du royaume d’Atchin; mais, quant au moyen d’assurer la sécurité réclamée par le commerce et la navigation, leur unique ressource était « l’exercice modéré de l’influence européenne, » qu’ils tâcheraient d’exercer en « régularisant leurs rapports » avec ce pays tout à la fois suspect et protégé. En langage plus limpide, l’Angleterre proposait et la Hollande acceptait un engagement contradictoire, de tout point semblable à celui qu’on imposerait à un bon gendarme, à qui l’on prescrirait de protéger les passans sur un chemin mal hanté, tout en lui interdisant de prendre les voleurs au collet. La suite devait révéler l’antagonisme