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ces ennemis de la civilisation. On comprit enfin, en Angleterre comme en Hollande, qu’un pareil état de choses ne pouvait plus durer, et ce fut une des causes principales qui déterminèrent les deux pays, liés par le traité de 1824, à le modifier par de nouvelles conventions. Il est toujours permis de se demander comment cette évidence ne s’était pas imposée beaucoup plus tôt aux deux gouvernemens.

C’est en 1870-1871 que furent conclus entre l’Angleterre et les Pays-Bas deux traités connexes, dont le but essentiel était de mettre un terme à des difficultés sans cesse renaissantes sur la côte occidentale d’Afrique et à Sumatra. Les Hollandais possédaient sur la côte d’Or quelques établissemens enclavés dans des établissemens anglais. Ce mélange de deux autorités européennes nuisait à la bonne direction des affaires en face des peuplades nègres du littoral et de l’intérieur. Il fut entendu que la Hollande céderait ses possessions à l’Angleterre moyennant une indemnité d’environ 600,000 francs pour les forts, les bâtimens, les armes, etc., dont la Hollande avait dû faire les frais. En revanche, l’Angleterre libérait la Hollande de toute obligation relative à l’île de Sumatra tout entière, par conséquent au royaume d’Atchin, stipulant seulement que le commerce et la marine anglaise seraient traités sur le pied de l’égalité dans tous les ports de l’île soumis aux lois coloniales néerlandaises. Il ne coûtait guère à la Néerlande de consentir à cette clause. Depuis plusieurs années, les principes du libre-échange triomphaient dans la législation néerlandaise, et toute espèce de droit différentiel allait être abolie dans les colonies de l’archipel malais. On se flatta des deux côtés de l’espoir que cet accord serait une garantie de paix en Asie comme en Afrique. Ne pouvant décidément plus compter sur l’appui de l’Angleterre, les gouvernans d’Atchin comprendraient qu’ils n’avaient rien de mieux à faire que d’entrer en arrangement avec le gouvernement néerlandais, et les nègres de la côte de Guinée, ne pouvant plus spéculer sur la rivalité de deux états européens, accepteraient plus volontiers les conditions normales de bon voisinage avec la civilisation. Cette double espérance fut déçue. L’Angleterre se vit bientôt forcée de faire la guerre aux Achantis, la Hollande dut la déclarer au sultan d’Atchin.

Il faut rendre cette justice au gouvernement néerlandais, qu’il ne voulut pas profiter d’emblée de la grande liberté que lui laissait le traité de 1870 pour rompre brusquement avec Atchin et en faire la conquête. Il aurait préféré que le sultan s’engageât, en donnant des garanties suffisantes, à vivre désormais en paix avec ses voisins, à réprimer la piraterie, à protéger le commerce régulier. Le sultan Mantsour-Shah, qui régnait depuis 1837, était mort. Son successeur