Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 4.djvu/170

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

examinait la partie la plus exposée de la position conquise et donnait des ordres pour la couvrir lorsqu’une balle atchinoise le frappa mortellement.

Cette mort fort honorable, — peut-être jusqu’à un certain point cherchée, car le général hollandais se voyait en face de difficultés inattendues qu’il avait pour sa part empêché de prévoir, — équivalait à un désastre. Elle privait l’expédition de son chef au moment où sa présence était le plus nécessaire, d’autant plus que, par un oubli ou par une négligence difficile à comprendre, le général n’avait communiqué à personne, pas même à l’officier appelé à lui succéder en cas de mort ou de blessure, le plan proprement dit qu’il se proposait de suivre. On savait seulement qu’il comptait s’avancer dès le lendemain sur le Kraton. Le colonel van Daalen, investi du commandement en chef, crut qu’il fallait risquer cette opération, dont tout présageait les difficultés très grandes, mais qui, si elle réussissait, serait décisive. Le Kraton, complètement invisible, était défendu par un mur élevé, un fossé, des palissades, des bois de bambou épineux, et par des retranchemens avancés qu’il fallait emporter sous une fusillade nourrie par un ennemi nombreux, presque toujours à couvert. C’est alors surtout que le manque d’une artillerie suffisante fut douloureusement senti. Cependant les troupes furent lancées et attaquèrent avec décision. Une compagnie hollandaise parvint même à pénétrer dans l’un des ouvrages ennemis, mais n’y put tenir sous la grêle de balles qui pleuvait sur elle. Une certaine mollesse, signe de découragement, commençait à marquer les mouvemens de quelques bataillons indigènes, et les coulies, chargés d’apporter les échelles d’assaut, s’étant trouvés exposés un moment au feu de l’ennemi, prirent peur, jetèrent leurs échelles et se sauvèrent à la débandade. La colonne d’attaque comptait déjà une centaine de morts et de blessés, et l’ennemi, encouragé par le succès de sa résistance, faisait un mouvement de flanc qui menaçait de couper les communications avec le rivage. Il devint évident que l’on n’était pas en force pour continuer l’attaque du Kraton, et que, pour éviter une déroute complète, il fallait regagner le bord de la mer. Le 17, la retraite s’effectua en bon ordre, sans être sérieusement inquiétée, et à la suite d’un conseil de guerre tenu à bord du Souvabaya la permission fut demandée par télégraphe au gouvernement colonial de suspendre l’expédition jusqu’à un moment plus favorable. Plus de 500 hommes étaient tués ou blessés, ou morts de maladie. La dyssenterie minait le corps expéditionnaire, et le terrible beri-beri, maladie mystérieuse, d’origine probablement miasmatique, et qui consiste dans une paralysie croissante des membres, sévissait à bord de la flotte. Puisqu’on avait échoué dans le coup de main qu’on avait cru pouvoir