Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 4.djvu/172

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lors de la guerre de 1870; eh bien! toutes proportions gardées, nous avons fait précisément comme eux; sous un prétexte mal choisi, nous sommes partis follement en guerre avec des troupes numériquement insuffisantes, mal armées, mal préparées, contre un ennemi dont nous ne connaissions pas les forces, tandis que nous aurions dû les connaître. L’opposition conservatrice dans les chambres eût peut-être mieux fait, au point de vue de sa dignité et de ses intérêts bien entendus, de ne pas ajouter aux difficultés très sérieuses de la situation en se servant, comme d’une machine de guerre, de cette première explosion du mécontentement populaire; mais les hommes sont partout les mêmes, et le parti conservateur, depuis longtemps exclu du pouvoir, crut trouver dans ce malheur national une excellente occasion de monter à l’assaut du cabinet libéral. A plusieurs reprises, dans le cours de l’année 1873 et pendant les premiers mois de l’année courante, le ministère se vit interpellé avec une âpreté, une persistance passionnée, qui mirent plus d’une fois son existence en danger.

Heureusement pour lui et pour la cause nationale elle-même, celui qui devait porter le poids principal de ce débat acharné, M. Fransen van de Putte, ministre des colonies, était de taille à tenir hardiment tête à ses antagonistes. Fils de ses œuvres, connaissant parfaitement les colonies, où il a passé plusieurs années, décidé à réformer dans le sens de la justice et du libéralisme les institutions coloniales encore trop marquées au coin de l’ancien système d’exploitation des indigènes, doué d’une grande puissance de travail et de qualités administratives éminentes, M. Fransen van de Putte a de plus un talent de parole et de discussion qui fait de lui un des orateurs parlementaires les plus remarquables de notre époque. Toujours sur la brèche, il ne laissa debout aucun des argumens de l’opposition. Tout en revendiquant comme ministre la pleine responsabilité de la politique suivie aux Indes, il démontra que la guerre d’Atchin était légitime, inévitable, commandée impérieusement par l’honneur national aussi bien que par l’intérêt général de la civilisation tout entière. On ne pouvait exiger du cabinet de La Haye de dicter point par point au gouvernement colonial les mesures à prendre sur les lieux mêmes, ce gouvernement avait eu des raisons majeures pour agir vite et vigoureusement, et si les autorités militaires les plus compétentes s’étaient méprises à Batavia même sur le degré de la résistance qu’on rencontrerait à Atchin, c’était un malheur dont il fallait rechercher les causes pour en prévenir le retour, mais il était souverainement injuste d’en accuser le ministère. Il n’y avait qu’une chose à faire, recommencer l’expédition dès que la saison serait favorable, et s’y prendre de telle sorte que cette fois le succès ne fût plus douteux. Le ministre de l’extérieur,