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est impossible de douter ; plus que jamais, à notre époque de transition, le principe est vrai que l’homme de mer ne se forme qu’à la mer. Quel est le remède à ce mal profond ?

Quelles que soient les révolutions imminentes dans notre établissement naval, on peut regarder comme certain que le personnel actuel, calculé pour une époque où l’escadre d’évolutions, une escadre composée d’au moins dix vaisseaux de ligne, était une institution permanente, où chacune de nos stations navales, plus nombreuses qu’aujourd’hui, comportait un plus grand nombre de bâtimens, sera toujours trop considérable en regard des navires que nous entretiendrons à la mer. C’est en effet la conséquence d’une révolution radicale sur laquelle il n’y a plus à revenir, celle qu’a produite la substitution de la marine à vapeur à la marine à voile. Le mal est général et la situation à peu de chose près identique pour toutes les marines qui ont un passé, et notamment pour la marine anglaise. Sir John Elphinston, dans la discussion du budget de la marine en 1873, établissait que, malgré les mesures prises pour diminuer le nombre des officiers en non-activité, la proportion de ces officiers se traduisait par les chiffres de 63 pour 100 pour les capitaines de vaisseau, de 49 pour 100 pour les capitaines de frégate, 33 et 35 pour 100 pour les lieutenans de vaisseau et lieutenans chargés de la route. « Il est certain, répondait le premier lord de l’amirauté, qu’il y a trop d’officiers de marine, et qu’il faut en diminuer le nombre, non par motif d’économie, puisque la pension allouée aux officiers qui se retirent est plus élevée que leur demi-solde, mais dans l’intérêt du service. Il est en effet très fâcheux qu’un grand nombre d’officiers soient laissés en inactivité forcée à une époque où, par suite du développement des applications mécaniques, un officier n’est plus au courant, s’il est resté deux ou trois ans à terre. » Ces paroles montrent que l’amirauté anglaise non-seulement s’est préoccupée du mal, mais encore que, repoussant toute idée d’économie, elle y a cherché un remède dans l’offre d’une pension de retraite supérieure à la solde à terre, assez élevée enfin pour décider les officiers qui surchargent la liste à abandonner volontairement le service actif. Cette mesure, décidée depuis plus de trois ans, a été insuffisante ; appliquée à notre marine, serait-elle plus efficace ? Nous ne le pensons pas. Quels que soient les avantages qui leur seraient offerts, bien peu de nos officiers accepteraient de plein gré ces avantages comme une compensation à l’abandon d’une carrière qu’ils aiment pour les nobles ambitions, les satisfactions élevées qu’elle leur promet.

Cependant le mal presse, et il faut aviser. Transformer, comme on l’a proposé, une partie de nos officiers de marine en comman-