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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 4.djvu/203

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UNE PRISON D’ÉTAT
SOUS LOUIS XIV

Les Archives de la Bastille, documens inédits, recueillis et publiés par M. François Ravaisson, Paris 1866-1873, 6 vol. in-8o.

Les monographies dont la Bastille a été l’objet, et les détails qui s’y rapportent incidemment dans les ouvrages généraux de MM. Sismondi, Michelet et Henri Martin, ne donnent pas la vérité tout entière, par la raison bien simple que les documens qui pouvaient seuls la mettre en pleine lumière avaient été jusqu’ici dérobés pour la plupart à la curiosité publique. L’ancienne monarchie cherchait avant tout le silence et le mystère ; elle mettait sa force dans le secret d’état, et quelquefois même, pour punir les crimes, elle se cachait comme les malfaiteurs pour les commettre. Lorsqu’il s’agissait de quelque personnage important, de quelque détenu politique mêlé aux troubles intérieurs ou aux affaires diplomatiques, la Bastille était scellée comme une tombe; on n’y plaçait pour gouverneurs que des hommes d’un dévoûment et d’une discrétion à toute épreuve, qui correspondaient directement avec le roi, et toutes les lettres, toutes les pièces administratives, tous les actes relatifs aux incarcérations, étaient enfermés, comme les prisonniers eux-mêmes, dans des chambres aux murailles épaisses, aux portes massives, garnies de serrures à triple clé. Jusqu’en 1789, ces sombres archives sont restées ensevelies dans leur linceul de pierre et de fer, sans qu’une autre main que celle du gouverneur ou du commissaire