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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 4.djvu/231

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REVUE. — CHRONIQUE.

train de le faire, que l’assemblée elle-même reste maîtresse de ses résolutions définitives. Toujours est-il que la question est engagée désormais, qu’un pas a été fait, et que dans cette première épreuve, si la proposition de M. Casimir Perier a eu une majorité peu triomphante, il est vrai, contestée dès le lendemain, régulièrement acquise en fin de compte, la proposition de M. le duc de Bisaccia a eu pour sûr une fortune plus médiocre encore. L’assemblée s’est partagée, soit : ce simple partage est déjà un progrès dans les conditions où il s’est accompli ; il est surtout un symptôme. Voilà la situation.

La lutte reste ouverte sans doute avec toutes ses chances, et la droite, visiblement aigrie, irritée de l’insuccès qu’elle a rencontré l’autre jour, semble vouloir préparer quelque campagne nouvelle, quelque tentative désespérée pour relever de sa mésaventure l’infortunée proposition Bisaccia. Les violens, les extrêmes, les hallucinés, comme toujours, prétendent conduire les plus modérés, et mystérieusement, avec cette habileté et cette prévoyance qu’on a si souvent montrées, on se promet de marcher à une victoire prochaine. La droite ne se tient nullement pour battue, elle veut proposer, elle proposera de nouveau la monarchie à bref délai, la monarchie sans conditions, puisque M. le comte de Chambord ne veut pas de conditions, — avec le drapeau blanc, puisque le « chef de la maison de France » ne connaît pas d’autre drapeau. Quelle chimère ! penserez-vous, quelle irrésistible passion d’aller au-devant d’un humiliant échec ! Les imperturbables champions de la légitimité quand même sont parfaitement persuadés que ce n’est point une chimère ou du moins ils feignent de le croire, et ici se passe en vérité une scène mêlée de naïveté et de ridicule qui ne laisse pas de rappeler une vieille gaîté soldatesque. — Nous voulons faire la monarchie, répètent sans cesse les légitimistes. — Fort bien, leur dit-on, faites-la. — Ah ! mais nous ne pouvons pas, nous n’avons ni la majorité ni la force, venez à notre aide ! — Parlons sérieusement. Que les légitimistes soient pleins de projets, qu’ils rêvent des combinaisons stratégiques ou de nouveaux miracles, ils ne le laissent guère ignorer. Ils s’agitent pour s’agiter, ils font plus de bruit que de besogne. La vérité est qu’ils ont pour le moment contre eux deux ou trois choses terriblement graves, de nature à faire évaporer tous leurs projets et à réduire leurs agitations à une simple fébrilité impuissante.

La première de ces choses, la plus immédiate si l’on veut, c’est la situation légale qu’ils ont eux-mêmes contribué à créer. Qu’ils commentent leurs votes, qu’ils subtilisent aujourd’hui, ils n’ont pas moins donné leurs voix ; ils ont aliéné une part d’avenir en créant une présidence de sept ans, et par une singularité de plus ce sont les légitimistes qui ont tenu à faire de cette durée de sept ans la seule partie réellement constitutionnelle, irrévocable, de la loi du 20 novembre