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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 4.djvu/232

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REVUE DES DEUX MONDES.

1873. Si, par un calcul qui méritait d’être trompé, ils se réservaient de ne pas prendre au sérieux le lendemain ce qu’ils avaient fait la veille, s’ils se sont figuré qu’après avoir donné le pouvoir ils restaient libres de le reprendre, qu’ils pourraient un jour ou l’autre venir dire à M. le maréchal de Mac-Mahon : Place au roi ! s’ils ont cru cela, ils ont été trop habiles, ils se sont pris dans leurs propres subtilités. M. le président de la république, quant à lui, ne paraît pas jouer aux charades ; il a pris au sérieux ce qu’il a demandé sérieusement, et hier encore il le répétait avec une netteté décisive qui ressemblait à un engagement ou à un avertissement dans un ordre du jour adressé aux soldats de l’armée de Paris après la dernière revue du bois de Boulogne. « L’assemblée nationale, en me confiant pour sept ans le pouvoir exécutif, a placé entre mes mains pendant cette période le dépôt de l’ordre et de la paix publique. Cette partie de la mission qui m’a été imposée vous appartient également ; nous la remplirons ensemble jusqu’au bout… » Voilà qui est clair, il nous semble. Que les légitimistes s’amusent maintenant avec le septennat, qu’ils trouvent le mot barbare, l’invention ridicule, l’organisation et la durée de ce pouvoir également impossibles, ils savent à quoi s’en tenir : pour remplacer ce septennat, ils auraient tout d’abord à tenter une révolution que M. le président de la république s’engage dès ce moment à réprimer en se faisant à lui-même et en faisant à ses soldats un devoir de a maintenir partout la loi. »

Rien de plus net assurément ; mais ce n’est pas encore la difficulté la plus grave pour la droite aujourd’hui. La droite a bien autre chose contre elle et contre les tentatives qu’elle pourrait avoir l’idée de renouveler ; elle a le souvenir accablant de ses fautes et de ses échecs, de la déroute par laquelle s’est dénouée cette triste campagne de l’automne de 1873, Si la monarchie, qui n’était peut-être pas sans avoir quelques chances un instant, a perdu si brusquement la partie, si elle a disparu, pour ainsi dire, du matin au soir, qui donc l’a rendue impossible ? Les légitimistes ont sans doute la ressource facile d’accuser tout le monde. Ils ne tenaient peut-être pas le même langage au premier moment ; ils se sont remis depuis et ils accusent leurs alliés, un peu les princes d’Orléans, beaucoup leurs amis, les constitutionnels, le centre droit, surtout M. le duc d’Audiffret-Pasquier. C’est depuis longtemps un bourdonnement de récriminations et de plaintes. Eh bien ! la lumière est faite aujourd’hui par cette correspondance du Times, qui vient de paraître fort à propos pour éclairer la situation, qui a été confirmée bien plus que rectifiée par la commission des neuf, instituée au mois de septembre 1873 par les divers groupes de la droite pour diriger les affaires de la restauration monarchique.

Que résulte-t-il de ces révélations aussi instructives que précises ? Assurément M. le comte de Paris a eu un rôle parfaitement net, parfai-