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REVUE. — CHRONIQUE.

raître récemment par un coup de scrutin imprévu. Le gouvernement avait fait passer, non sans peine, à de faibles majorités, un certain nombre de ses impôts, lorsqu’on est arrivé à la question la plus délicate. Il s’agissait d’obtenir un accroissement de recette de 9 ou 10 mitlions en frappant de nullité les actes clandestins qui se dérobent à l’enregistrement. C’était tout simplement la répression d’une fraude, en même temps qu’un moyen de rétablir l’égalité devant l’impôt, et le procédé était si efficace que déjà les recettes du trésor avaient augmenté dans certaines provinces par le seul fait de cette menace d’annulation des actes non enregistrés. Ce qu’il y a de curieux, c’est que la fraude a trouvé les plus intrépides défenseurs dans le parlement, et que la loi, adoptée en détail au scrutin public, a fini par être repoussée dans son ensemble au scrutin secret par une majorité d’une voix. L’Italie a, elle aussi, ses mystères et ses caprices de scrutin ! Le cabinet, par un excès de scrupule, s’est empressé d’offrir sa démission au roi, qui, de son côté, s’est prudemment empressé de ne pas l’accepter, refusant de laisser naître une crise à propos d’un vote qui cachait plus de fantaisies et d’intérêts particuliers que de calculs politiques. Le ministère est donc resté au pouvoir sans difficulté. Le sénat l’a aidé à sortir d’affaire en ajournant certaines dépenses de fortifications militaires, certains travaux projetés dans les ports du Napolitain ; puis le parlement a reçu son congé, et tout a été dit pour le moment. La question est maintenant de savoir si le ministère dissoudra cette chambre déjà fort épuisée, arrivée presque au terme de son existence légale, ou si avant la dissolution il l’appellera encore une fois au mois de novembre pour voter e budget. Les élections se feraient aujourd’hui sans émouvoir sérieusement le pays, dans les conditions les plus favorables pour le ministère, et dans tous les cas pour le libéralisme conservateur qui gouverne invariablement l’Italie depuis près de quinze ans.

Au fond, à travers tous les incidens parlementaires et ministériels, c’est toujours en effet la même politique prudente et avisée qui est devenue maintenant une tradition au-delà des Alpes dans les grandes questions, dans les questions les plus épineuses et les plus délicates. Vainement M. de Bismarck s’est efforcé de souffler sa passion au cabinet de Rome, d’entraîner l’Italie dans ses luttes religieuses. Les hommes d’état italiens, par une prévoyance supérieure autant que par nature, se sentent peu de goût pour la politique guerroyante du terrible chancelier allemand. Ils s’en tiennent volontiers à cette tempérance habile qui leur a épargné déjà plus d’un embarras, dont ils recueillent peu à peu les fruits. Ils aiment mieux laisser à l’église, aux évêques et au premier des évêques, au saint-père, toute la liberté compatible avec l’existence de leur nationalité. Au lieu d’aller au-devant des querelles, ils mettent leurs soins à les éviter, en se prêtant à toutes les combinaisons pratiques dans leurs relations avec le clergé. Ils savent rester parfai-