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tement calmes, assez forts pour maintenir la paix au milieu d’une situation difficile, et rien ne le prouve mieux que ce qui se passait ces jours derniers encore à Rome, à l’occasion de la célébration de cette prodigieuse longévité du pape qui commençait le 17 juin la vingt-neuvième année de son pontificat. Déjà la vingt-neuvième année de ce règne rempli de tant de catastrophes et d’événemens, au bout desquels le pape et le roi Victor-Emmanuel se trouvent ensemble à Rome, l’un au Vatican, l’autre au Quirinal, sans conflit, à peu près paisiblement ! Il y a eu, il est vrai, sur la place de Saint-Pierre, quelques scènes tumultueuses, quelques manifestations des partisans du pape-roi, auxquelles ont répondu les manifestations des partisans du roi national. La police n’a pas eu beaucoup à faire pour rétablir la paix autour du Vatican. En définitive, le pape a pu librement recevoir toutes les visites, les députations, jusqu’à des députations de nobles napolitains restés fidèles au roi François II. Il a pu prononcer des discours, il a même fait allusion à des offres récentes de conciliation qui lui auraient été faites. Une fois de plus il s’est plaint, il a protesté contre l’usurpation, contre la spoliation, avec véhémence, sans une trop violente amertume cependant et sans laisser voir la moindre envie de quitter Rome. Le pape, dit-on, refusait dernièrement de se mêler des affaires intérieures de la France, de témoigner une préférence pour un gouvernement quelconque. C’était assurément une marque de sagesse prévoyante. De la part de la France, comme de la part de tous les étrangers au surplus, ce serait sans doute aussi la politique la plus prudente de se mêler le moins possible de ce qui se passe à Rome. Ce serait peut-être le plus sûr moyen de simplifier les affaires romaines, en maintenant, en affermissant entre la France et l’Italie ces relations naturelles qui ont repris depuis quelque temps leur caractère de cordiale régularité. Un de nos amiraux, mouillé dans les eaux de l’île de Sardaigne et assistant à un banquet pour l’anniversaire du statut, rendait témoignage des vrais sentimens français et recevait l’expression des vrais sentimens italiens. À cette politique franchement suivie, la France et l’Italie ne peuvent que gagner, et sûrement les intérêts du pape n’auraient point à en souffrir.

Ce que durent les agitations dissolvantes et les guerres civiles quand elles ont envahi fatalement un pays, ce qu’il en coûte pour reconquérir les conditions les plus simples d’un ordre réguglier, on le voit aujourd’hui en Espagne. L’Espagne, il est vrai, n’a jamais été précisément un modèle d’ordre politique et administratif. Il y eut cependant une époque de régularité et de prospérité relatives où le régime constitutionnel existait à peu près, où les finances, à demi réparées, suffisaient à tout, où les intérêts se développaient dans une certaine tranquillité générale. Une révolution a rejeté l’Espagne dans les expériences orageuses. Dictatures, assemblées constituantes sans prestige, monarchie éphémère, république glissant dans l’anarchie sanglante, revendications armées de