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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 4.djvu/313

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simple droit de balance de 1 shilling par quarter devant être maintenu, ce terme atteint, comme le dernier vestige des célèbres corn laws. Il accordait de plus à l’agriculture nationale, sur diverses dépenses et taxes locales, des dégrèvemens qui n’étaient point sans importance. Toutefois le fait principal subsistait : le parti protectioniste était convié à condamner solennellement et irrévocablement le système de la protection. Soit que la conscience du sacrifice immense ainsi réclamé ait laissé à sir Robert Peel peu de confiance dans le résultat des conférences de parti habituelles en pareille conjoncture, soit que son défaut invincible d’entregent et de captation personnelle lui ait été particulièrement fatal en ce moment, il ne fit rien entrevoir confidentiellement de sa décision finale, même à ses anciens adhérons les plus intimes en dehors du conseil. Ceux-ci durent donc n’apprendre les propositions du gouvernement qu’avec le public tout entier, lors du grand exposé ministériel à la réunion du parlement. On conçoit facilement quels froissemens et quelles irritations devaient trouver ainsi à exploiter les deux principaux organes de la révolte désormais ouvertement déclarée. Le premier de ces adversaires inattendus fut lord G. Bentinck, fils du duc de Portland, un des plus influens représentans du parti territorial. Étranger jusqu’alors à la politique active, lord G. Bentinck était fort connu et fort apprécié par les zélateurs du turf, si nombreux en Angleterre. Il s’appliqua dès la rentrée du parlement à multiplier et à organiser les dissidens, à caractériser et à envenimer le différend qui les séparait de leur ancien chef; mais ses efforts auraient manqué d’éclat, sinon d’efficacité, si un grand maître de la parole, capable de lutter corps à corps avec sir Robert Peel lui-même, n’était venu descendre contre lui dans l’arène. Jusque-là, M. Disraeli s’était surtout distingué dans le domaine de la littérature. Ses débuts oratoires à la chambre des communes, comme nous l’avons vu, n’avaient point été heureux. Exaspéré par les rires ironiques de quelques collègues, il s’était beaucoup animé, — les interruptions continuèrent, et enfin il dut s’asseoir en proférant la noble et prophétique parole : « Le jour viendra où je vous contraindrai à m’entendre ; » mais ce jour était encore éloigné. Se voyant négligé et méconnu par sir Robert Peel, il s’était laissé entraîner, au nom d’un groupe de conservateurs mécontens comme lui, à prendre deux ou trois fois à partie le premier ministre, alors dans la plénitude de son autorité, mais le succès n’avait point répondu à son ardeur. Rappelant un soir que deux ans auparavant M. Disraeli l’avait défendu avec chaleur contre les mêmes imputations qu’il dirigeait maintenant contre lui, sir Robert Peel s’était écrié : « Tels étaient les sentimens qu’exprimait alors l’honorable membre. J’ignore s’ils ont assez d’importance pour que l’on en entretienne la chambre : ce que je sais, c’est que je faisais