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Soleille l’assure. Par un hasard aussi opportun que singulier, on a retrouvé 4 millions de cartouches perdues dans une gare ; l’arsenal de Metz est mis à contribution, et l’armée sait qu’elle est de nouveau approvisionnée comme au début de la guerre, qu’elle peut marcher sans crainte. D’un autre côté, le commandant en chef annonce à Châlons, à Paris, qu’il se dispose à rentrer en campagne, qu’il prendra probablement la ligne des Ardennes et des places du nord. En un mot, tout paraît promettre une action prochaine. Dès ce moment cependant il est impossible de ne pas voir ou une volonté fatalement indécise ou un calcul dans ces dépêches évasives, fuyantes, pleines de réticences, par lesquelles Bazaine, en faisant connaître au maréchal de Mac-Mahon sa situation, ses intentions, semble se réserver lui-même et retenir une partie de sa propre pensée comme il voile une partie de la vérité.

Malgré tout, la nécessité de sortir est si évidente, si impérieuse, elle répond si complètement à l’instinct de l’armée que le maréchal Bazaine ne pourrait s’y soustraire. L’unique question pour lui est de savoir par où il tentera sa sortie : question certes délicate, épineuse, lorsqu’elle se pose en face de 200,000 hommes ! Essayer de reconquérir les routes du plateau de la rive gauche de la Moselle dans la direction de Verdun, ce n’est plus possible. On vient d’échouer sur ces hauteurs maintenant occupées par les masses ennemies, par cinq corps allemands sur sept. Au sud-est, une ligne d’opération naturelle semble s’offrir. On pourrait peut-être se jeter entre la Moselle et la Seille, qui se rejoignent à Metz, se couvrir des deux rivières en s’appuyant à quelques fortes positions, puis s’élancer vers Nomeny, Frouard ou Château-Salins. Ce n’est assurément ni facile ni exempt de dangers. Si l’on réussit, les résultats peuvent être immenses. On peut menacer les communications allemandes, se rouvrir un chemin à travers les Vosges. C’est le plan qui séduit les esprits militaires dans les états-majors. Bazaine y a songé un moment le 14 avant sa tentative de retraite sur Verdun, et après l’investissement Bourbaki dit encore avec sa vivacité pittoresque : « Mon désir eût été de faire un trou par Château-Salins et de nous donner de l’air… » A défaut de cette percée hardie vers le sud-est, il ne reste plus que la ligne du nord au-dessous de Metz, par le cours inférieur de la Moselle, par Thionville, d’où l’on peut regagner Montmédy et la Meuse, au besoin Sedan et Mézières. C’est pour la ligne du nord que Bazaine se décidait. « En agissant ainsi, disait-il, je me rapproche de nos nombreuses places, je retrouve une base d’opérations. Nous forcerons facilement le passage, puis nous serons toujours plus forts que l’ennemi, car, éparpillé autour de Metz, il ne pourra nous présenter que des têtes de colonnes, tandis que nous serons toujours massés, prêts à livrer bataille… » Ces