résolument la charge comme aux grandes journées, et tous ces soldats, vigoureusement enlevés, se précipitaient à l’attaque de Noisseville ; ils emportaient une brasserie d’où partait un feu violent, faisaient des prisonniers, pénétraient impétueusement dans le village, dont ils restaient maîtres à six heures et demie. Bientôt on s’élançait à l’assaut de Servigny. De son côté, le général de Ladmirault, voyant se dessiner la marche de Lebœuf, s’avançait sur la route de Sainte-Barbe. Il engageait les divisions Grenier et de Cissey en partie sur Poix et Failly, en partie dans la direction de Servigny, déjà menacé par nous et bientôt enlevé à l’aide de la division Aymard du 3e corps. On avait Servigny, sauf une maison crénelée où l’ennemi se défendait encore. A son tour enfin, le maréchal Canrobert, suivant le mouvement, portait en avant les divisions Tixier, Lafond de Villiers, prenait les villages de Chieulles, de Vany, et venait appuyer Ladmirault, occupé à vaincre la résistance des Allemands à Failly.
À ce moment, l’armée était pleine d’ardeur, animée du sentiment d’une victoire possible, qu’on avait à demi arrachée à l’ennemi. Elle occupait une ligne semi-circulaire assez étendue, de la Moselle à Coincy, Canrobert à Vany, Ladmirault devant Failly et Poix, les divisions Aymard et Metman entourant Servigny et tenant en partie le village, la division Montaudon à Noisseville et à Montoy, la division Fauvart-Bastoul, du 2e corps, à Flanville, la brigade Lapasset à Coincy. Il y avait dans tous les cœurs une impatience fiévreuse et une confiance virile. Le commandant en chef lui-même, en s’avançant sur la route de Sainte-Barbe, avait pu être témoin de la résolution de son armée. Malheureusement, et là éclatait l’inconvénient d’une attaque tardive, la nuit était déjà tombée ; depuis longtemps le soleil avait disparu derrière le mont Saint-Quentin. Les vallées s’emplissaient d’ombres, la canonnade avait cessé. Il était dix heures du soir, et Bazaine n’avait pas tant tardé à regagner Saint-Julien, sans songer à profiter de l’élan universel, laissant à ses lieutenans le soin de maintenir les troupes sur leurs positions.
Ce fut une nuit funeste, doublement funeste. D’abord elle commençait par un contre-temps désastreux. Les Allemands, furieux de s’être laissé enlever Servigny et sentant l’importance de ce village, n’attendaient pas même que la nuit fût écoulée pour revenir à la charge, et devant une attaque violente, à laquelle on ne s’attendait peut-être pas assez, les soldats de la division Aymard, parmi lesquels régnait une certaine confusion, se voyaient contraints à se retirer après une résistance inutile. De plus, pendant que le maréchal Bazaine laissait passer ces heures précieuses de la nuit sans prendre aucune disposition, l’ennemi ne perdait pas de temps pour appeler des forces nouvelles et se tenir prêt à revenir au combat. Le 1er