Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 4.djvu/404

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la situation économique du pays. En 1848, la France suffisait à tous ses besoins avec une réserve métallique qu’on estimait au plus à 3 milliards ; les billets au porteur ne dépassaient pas en moyenne 350 millions, et le chiffre des opérations de la Banque de France et de ses succursales se traduisait en 1847 par 1 milliard 854 millions. En 1869, avant la guerre, la réserve métallique était évaluée à 6 milliards au moins, les billets au porteur dépassaient 1 milliard 200 millions; on faisait déjà un certain usage d’un instrument de crédit complètement inconnu en 18/18, le chèque, et le chiffre des opérations de la Banque de France s’élevait à 8 milliards 325 millions. En un mot, les ressources monétaires ou instrumens d’échange avaient plus que doublé, pour répondre à un mouvement d’affaires qui avait triplé. Et quand en 1870 et années suivantes il fallut, comme après 1848, remplacer les espèces métalliques, qui ne circulaient plus par suite du cours forcé, la monnaie de papier, qui avait suffi il y a vingt-quatre ans, ne pouvait plus suffire maintenant. Il le pouvait d’autant moins qu’on avait à satisfaire à la fois aux demandes du commerce et à celles de l’état.

La Banque dut avancer sous diverses formes près de 3 milliards; mais, dira-t-on, l’avance ne signifie rien pour la valeur que peut conserver la monnaie de papier. Les bank-notes qu’émettait la Banque d’Angleterre pendant la suspension des paiemens étaient aussi parfaitement employées; cela ne les empêcha pas de perdre 20 ou 25 pour 100 en 1810. En ce moment, le papier-monnaie qui circule en Autriche et en Italie a également un rôle très utile, et il est déprécié de 15 à 20 pour 100. Cela est vrai; seulement les billets qu’émettait la Banque d’Angleterre avaient pour but de remplacer les espèces métalliques qui s’en allaient, le change était défavorable, on faisait tout l’opposé de la théorie d’Adam Smith, qui veut « que les billets varient comme aurait varié la monnaie métallique elle-même. » On aurait dû les restreindre, puisque la monnaie métallique diminuait ; on les augmentait au contraire pour remédier à l’insuffisance de celle-ci. De même aujourd’hui en Autriche et en Italie le numéraire est exporté à cause de l’adversité du change, et, comme il faut pourvoir aux besoins de la circulation, on le fait avec du papier-monnaie. Il en est tout autrement en France; le change ne nous est point défavorable, le numéraire ne s’en va pas, il reste, il se thésaurise dans la poche de chacun de nous et ne circule plus, mais on sait qu’il existe, qu’on le retrouvera un jour, et cela suffit pour donner aux billets qui le remplacent une stabilité qu’ils n’ont pas ailleurs.

Dans la discussion qui a eu lieu au corps législatif à la fin de 1871 pour l’augmentation de l’émission, on s’est appuyé sur l’utilité du billet de banque, sur les besoins qu’en a le commerce et