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des chèques et des mandats de viremens ; c’est à peine si on les connaît dans les grandes villes, le reste de la France y est complètement étranger. Il faut espérer pourtant que cet usage se répandra, et que, comme en Angleterre, comme aux États-Unis, les paiemens s’opéreront davantage par l’entremise de banquiers et par des viremens de comptes. Si cela arrive, on économisera à la fois beaucoup le numéraire et le billet au porteur, car il est à remarquer que celui-ci ne prend un grand développement que là où l’habitude des dépôts en comptes-courans existe peu, témoin notre pays par comparaison avec l’Angleterre. Il est donc difficile de dire à quelle limite on pourra descendre pour la circulation fiduciaire; mais, quelle qu’elle soit, le papier ne sera solide que s’il s’appuie sur une encaisse métallique très sérieuse, s’il s’allie avec le change favorable.

Notre précédent des 3 milliards de billets sans dépréciation ne prouve rien contre cela; il s’est accompli avec une réserve métallique considérable et avec le change favorable; il a parfaitement réussi, et on peut dire que, financièrement parlant, il a sauvé la France. Cependant il y avait bien quelques risques à courir : si notre activité commerciale n’avait pas repris très vite aussitôt après la commune, si les étrangers n’avaient pas eu confiance dans les destinées de la France et n’avaient pas souscrit à nos emprunts, si nous avions dû exporter une grande quantité de numéraire pour payer l’indemnité prussienne, en un mot, si le change avait continué de nous être défavorable, comme il l’a été un moment à la fin de 1871, notre papier-monnaie se serait bien vite déprécié, et la dépréciation aurait fait des progrès rapides, d’autant plus rapides qu’on aurait augmenté les émissions. Le contraire a eu lieu, rendons grâce au ciel, mais n’en tirons aucune conclusion pour l’avenir et disons-nous bien que les principes qui régissent la circulation fiduciaire sont les mêmes en 1874 qu’avant 1870, que le cours forcé est toujours un malheur; on le subit quand on ne peut faire autrement, mais il faut se hâter d’en sortir dès qu’on en a les moyens.

Maintenant à ceux qui, dans le sens opposé, prétendent que la circulation fiduciaire, même lorsqu’elle repose sur une encaisse métallique considérée comme suffisante, est de la fausse monnaie qui altère les rapports commerciaux, et qu’il n’en faut pas du tout, on peut répondre que c’est une exagération d’un autre genre. Le billet au porteur a sa raison d’être, et c’est en vain qu’on chercherait à le remplacer par le chèque avec le système des dépôts en comptes-courans. Le chèque est assurément un instrument d’échange puissant, très perfectionné; grâce à lui, on arrive par de simples viremens de comptes à liquider des sommes considérables sans presque aucune intervention de numéraire. C’est aussi le moyen d’utiliser toutes les ressources d’un pays et de les mettre à la disposition du commerce;