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de force, à la raison, à la sincérité, à la prévoyance de tous les esprits modérés et patriotes préoccupés avant tout d’assurer à la France le repos qui lui a été promis à l’abri d’institutions sérieuses.

Puisque chacun peut interpréter la loi du 20 novembre et les conséquences qui en découlent, M. le maréchal de Mac-Mahon a, lui aussi, son interprétation nette, précise et péremptoire. Plus d’une fois déjà il a saisi l’occasion de déclarer que les pouvoirs qui lui ont été confiés sont irrévocables dans leur durée, que rien ne peut en changer le terme. Jamais il ne l’avait dit avec cet accent de fermeté. Il parle en homme qui n’hésite pas plus sur son devoir que sur son droit, qui se sent armé par la loi et n’est pas disposé à céder la place. Jamais non plus M. le maréchal de Mac-Mahon n’avait rappelé avec cette autorité à l’assemblée les obligations qui la lient, les solennelles promesses d’organisation qu’elle a faites, les grands besoins publics, les vœux du pays, le danger de « nouveaux délais » et de contestations toujours renaissantes. On ne peut s’y tromper, c’est clair ; a l’assemblée donnera au pays ce qu’elle lui doit et ce qu’il attend. Au nom des plus grands intérêts, je l’adjure de compléter son œuvre, de délibérer sans retard sur des questions qui ne doivent pas rester plus longtemps en suspens, le repos des esprits l’exige… Il faut que les questions réservées soient résolues… » Il a un peu étonné tout d’abord, ce message aux allures décidées ; il a déconcerté les diplomates, aiguillonné les récalcitrans et les retardataires, mis hors d’elles-mêmes les hostilités qui se déguisent, et, en fin de compte, il a laissé une vive et sérieuse impression, il est allé retentir dans le pays comme un accent de virile franchise et de vérité.

Le langage n’est peut-être pas de cérémonie, il était bon qu’il fût ainsi cette fois pour ramener tout le monde au sentiment de la réalité. M. le président de la république est au pouvoir pour sept ans, sans réserve et sans équivoque ; on lui a donné la consigne, il l’a reçue et il s’y tient. Ce qu’il demande aujourd’hui, c’est la « prompte exécution » d’un engagement pris, afin « d’assurer au pays, par des institutions définies, le calme, la sécurité, l’apaisement dont il a besoin. » Voilà la situation. Cette nécessité que rappelle M. le président de la république, elle est le dernier mot d’une longue série de crises intimes, tout le monde la sent depuis longtemps. Les récentes tentatives du légitimisme aussi bien que les menées bonapartistes l’ont rendue plus évidente, plus impérieuse, en ravivant, en aggravant le sentiment d’incertitude et de malaise qui est dans tous les esprits, qui pèse sur les affaires. Elles ont montré que tant qu’il n’y a pas un parti-pris de stabilité dans des institutions fixes et définies, un gouvernement organisé, assuré contre toutes les contestations, le pays est réduit à se demander sans cesse s’il n’est pas à la merci d’une surprise, sous prétexte que le définitif est toujours réservé. La nécessité, elle est dans les embarras mêmes de