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LES
ELEPHANS A LA GUERRE
DE LEUR EMPLOI DANS LES ARMÉES MODERNES.

« L’éléphant est, si nous voulons ne nous pas compter, l’être le plus considérable de ce monde. » Ainsi parle Buffon, et, si ses paroles sont vraies de la stature imposante de l’éléphant, elles le sont bien davantage de son intelligence et de la douceur de son caractère. Il n’est pas dans la nature d’être mieux préparé à la société de l’homme que l’éléphant, et la preuve, c’est que l’espèce n’en a jamais été domestiquée. L’homme est forcé de mettre entièrement sous sa dépendance les autres animaux dont il attend des services, chevaux, bœufs, chiens, chats, etc., parce que l’obéissance entre seulement au bout de plusieurs générations et par une hérédité non interrompue dans le caractère de ces animaux. On s’en aperçoit bien quand des individus retombés à l’état sauvage traitent en ennemi l’homme qui veut les apprivoiser de nouveau. Il n’en est pas de même de l’éléphant. Pris adulte, il se laisse domestiquer et devient l’esclave fidèle de l’homme. Aussi, même dans les pays où l’éléphant compte parmi les animaux utiles et où il rend des services inappréciables, — dans l’Inde anglaise par exemple, où on l’emploie dans les services militaires et dans l’artillerie pour traîner les canons de fort calibre, trop lourds pour des chevaux, — a-t-on jugé inutile d’apprivoiser l’espèce et d’établir des haras d’éléphans. L’entreprise serait dispendieuse. La gestation est de vingt à vingt-deux mois, et l’animal ne peut être mis au travail que vers l’âge de quinze ou dix-huit ans (il vit de cent à cent vingt ans). A quoi bon cette dépense quand on peut dresser les individus nés libres et pris