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que là les éléphans représentent toute l’administration des ponts et chaussées. Ces chemins vont d’ordinaire des hauteurs vers les cours d’eau. On a remarqué que dans les montagnes leurs chemins sont disposés avec une intelligence digne d’hommes du métier. Ces chemins suivent généralement la crête d’une chaîne de montagnes, évitant les pentes rapides, et à Ceylan les arpenteurs du gouvernement ont constaté que, même dans les forêts où la vue ne permettait pas de découvrir la ligne la plus droite, les éléphans suivaient invariablement la ligne qui communique le plus commodément avec le point opposé. Le docteur Hooker décrivant l’ascension de l’Himalaya dit que les indigènes n’admettent pas le zigzag dans leurs chemins, et qu’ils abordent en droite ligne les montées les plus raides, tandis que le chemin des éléphans est une œuvre excellente d’ingénieur, et, tout au contraire des chemins des indigènes, suit des détours judicieux. Ce n’est pas que l’éléphant ne puisse monter et descendre aisément les pentes les plus raides; sur le sommet du Pic-d’Adam, dans l’île de Ceylan, à une altitude de 7,420 pieds, là où les pèlerins grimpent avec difficulté à l’aide de degrés taillés dans le roc, le major Skinner trouva en 1840 la trace de pieds d’éléphans. Les chemins que leur inclinaison rend impraticables pour le cheval et dangereux pour l’homme ne l’effraient ni ne l’arrêtent. Malgré ses énormes pieds et la masse de son corps, c’est un véritable animal grimpeur. La sûreté de son large pied le rend précieux, comme animal domestique, dans les pays de montagnes où les chemins sont rares ou mal frayés. Un voyageur dans l’Inde, M. Rousselet, a raconté une descente périlleuse faite à dos d’éléphant. L’éléphant rend des services inappréciables dans les pays dépourvus de chemins et dans les régions montagneuses; comme monture et comme bête de somme, il passe là où ni le cheval, ni le mulet, ni le chameau, ne pourraient trouver passage.

L’éléphant d’Afrique n’a été apprivoisé que par les Carthaginois, les rois numides et les Romains. Il serait aisé aux noirs habitans de l’Afrique centrale de faire de l’éléphant leur esclave et leur auxiliaire, comme cela se pratique en Asie; mais l’espèce d’hommes qui grouille à l’intérieur de l’Afrique est trop rapprochée de la brute pour profiter des richesses que la nature met sous sa main. Les nègres ne chassent l’éléphant que pour le tuer et pour en troquer les défenses contre les verroteries, les couteaux et les étoffes que leur apportent des trafiquans arabes. Les éléphans sont encore très nombreux en Afrique, malgré l’énorme quantité qu’on en détruit chaque année. La chasse en a réduit le nombre dans certaines régions, par exemple dans cette partie de la côte de Guinée qui avait reçu le nom de Côte-d’Ivoire du trafic qui s’y faisait. Ce nom n’est plus aujourd’hui mérité, car la Côte-d’Ivoire ne livre plus au commerce