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dans l’Inde ont résolu d’employer les éléphans au même degré que les chevaux et que les autres animaux domestiques, il fallut recourir à un autre système de chasse pour se procurer un plus grand nombre de ces animaux. Dans l’île de Ceylan, les Portugais et après eux les Hollandais organisèrent le système des battues, et les Anglais, en leur succédant, ont continué leurs traditions. Des battues annuelles se font à Ceylan et dans le nord de l’Inde, et font tomber au pouvoir des chasseurs des troupeaux entiers d’éléphans. Tennent, dans son livre sur Ceylan, a raconté ces chasses grandioses, où, sans effusion de sang et presque sans péril, on prend souvent à la fois une centaine d’éléphans; mais, si l’on parvient à prendre vivans et sans blessures des animaux d’une telle force et d’une telle intelligence, c’est en profitant de la terreur et de l’inexpérience des éléphans sauvages, et surtout en employant comme auxiliaires des éléphans apprivoisés. Bien loin d’avoir de la répugnance à servir l’homme contre leur propre espèce, ils apportent à cette besogne un entrain et une intelligence admirables; ils poussent les éléphans sauvages vers les arbres auxquels on doit les attacher; pendant qu’on les attache, ils les empêchent de détourner les liens d’un coup de trompe; ils protègent leurs propres maîtres contre les coups de trompe des captifs. C’est également à l’aide d’éléphans déjà apprivoisés qu’on dresse les captifs, appliquant ainsi à la race éléphantine la méthode pédagogique préconisée par Lancaster. Dans le dépôt de remonte pour les éléphans que le gouvernement anglais entretient à Dacca, dans le Bengale, on garde un certain nombre d’éléphans choisis parmi les plus forts et les plus intelligens pour dresser les nouveau-venus ; ce sont comme de vieux sergens instructeurs sous la direction desquels passe chaque génération de recrues. Le dressage d’un éléphant est l’affaire de quelques mois; mais il ne faut le mettre au travail que lentement et par degrés, quand l’obéissance est entrée dans sa nature et qu’il a contracté de l’affection pour les personnes qui le soignent. L’obéissance à son gardien est chez l’éléphant le résultat de l’affection plus encore que de la crainte, et à cet égard sa docilité ressemble plus à celle du chien qu’à celle du cheval. Elle va jusqu’à surmonter la douleur; on en a la preuve dans la résignation avec laquelle, sur l’ordre de son mahout (c’est le nom que dans l’Inde on donne aux cornacs), il avale des médecines souvent repoussantes, et se soumet, non pas seulement à des saignées, mais même à des opérations chirurgicales pénibles, telles que l’enlèvement de tumeurs et d’ulcères. Tous les éléphans ne se résignent pas à oublier leur vie de liberté dans la forêt. Aussi faut-il les traiter avec douceur et avec égards, et encore la mortalité est-elle grande chez eux pendant les premiers mois de la captivité. On en voit se coucher tout d’un coup et mourir,