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d’aspect dans toute la Grande-Bretagne. L’industrie anglaise, qui en 1786, quand fut signé le traité de commerce avec la France, n’était aucunement dans l’ensemble supérieure à celle du continent, conquit la suprématie sur toutes les autres. Ayant du fer en quantité indéfinie et à bas prix, elle put fabriquer en tout genre de solides machines, fonctionnant avec régularité et aisées à transporter. Avec la machine à vapeur définitive de Watt, elle eut la faculté d’opérer mécaniquement tous les genres de travail en quelque lieu qu’elle le voulût. Le charbon de terre, exploité en grand à l’aide de la machine primitive de Watt, était devenu une source inépuisable de mouvement en même temps que de chaleur, et par cette double action du combustible minéral, autrefois si dédaigné, il n’y avait plus de prodige manufacturier qu’on ne pût tenter avec succès.

Il s’opéra, surtout dans l’industrie du coton, une révolution dont les conséquences sont successivement devenues immenses. L’Angleterre, qui s’y adonnait par une sorte d’instinct, put la développer indéfiniment. Plus n’était besoin de placer les filatures et autres usines à coton, qui réclamaient beaucoup d’ouvriers, sur les cours d’eau, peu puissans d’ailleurs dans la Grande-Bretagne, et dont, dans la plupart des cas, on ne peut guère tirer sur un point donné qu’une force motrice limitée. Il fut possible de les ériger et de les multiplier dans l’intérieur même des villes, où l’on était assuré de trouver une nombreuse population désireuse de travail. On s’acheminait ainsi vers l’état actuel des choses où l’Angleterre, sans compter ce qu’elle consomme pour son propre usage, exporte, rien qu’en fils de coton, une valeur de 420 millions de francs à l’usage clés manufactures et de la couture, et livre de même à l’étranger, en toiles de coton écrues, ou blanches ou imprimées, une longueur de 3 milliards 200 millions de mètres, qui ferait quatre-vingts fois une ceinture à la planète dans toute sa rotondité. Ces tissus, sans parler des articles autres que les toiles, ont une valeur de 1,455 millions de francs. Le total de l’exportation de l’Angleterre en marchandises dont le coton est la matière première est monté en 1872 à 2 milliards 7 millions de francs. En 1763, le total, non-seulement des exportations en tout genre de l’Angleterre, mais aussi de ses importations, n’excédait guère le tiers de cette somme; il était de 750 millions de francs.

Le progrès industriel eût cependant été pénible et les résultats obtenus fussent restés médiocres, si la viabilité du territoire n’eût reçu de grandes améliorations. Déjà l’Angleterre était en jouissance de bonnes routes, et Mirabeau, qui y trouvait, ce qui était inconnu dans sa patrie, des trottoirs formant la bordure continue des grands chemins, avait été enthousiasmé de cette sollicitude pour le pauvre piéton, en même temps qu’il admirait les services