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rendus par les chaussées proprement dites au commerce et au voyageur aisé allant en chaise de poste ou en diligence. Mais les routes, eussent-elles été affranchies des péages qui les grevaient, n’auraient pas répondu aux besoins d’un vaste négoce. Dès qu’il s’agit de distances un peu fortes, les routes ordinaires excluent le transport à bas prix de la houille et du minerai de fer, du fer en gueuses ou en barres, toutes substances que la nation anglaise devait consommer de plus en plus dans l’exercice de son industrie même. Si la distance grandit encore, c’est le transport de marchandises moins communes qui devient trop onéreux sur cette sorte de voies; mais à la même époque il était pourvu à la nécessité d’une circulation plus économique par un vaste système de canalisation. Le duc de Bridgewater, avec ses capitaux, et l’ingénieur Brindley, avec son talent et son savoir, unissant leurs efforts, avaient donné, par la construction du célèbre canal de Worseley à Manchester, un exemple hardi qui avait été récompensé par un gros revenu, et ce succès avait déterminé la canalisation des plus industrieuses parties du pays, sans que le gouvernement eût à contribuer à la dépense. Il n’est pas hors de propos de remarquer qu’en même temps le crédit, ressort d’une si grande efficacité pour le commerce et la production en général, était rendu plus accessible aux manufactutiers, aux commerçans, aux propriétaires du sol eux-mêmes et aux simples artisans, par l’ouverture d’un grand nombre de banques locales[1]. Quoiqu’elles n’eussent que des ressources bornées et qu’elles fussent sur un modèle équivoque par rapport à ce qui peut se recommander de nos jours, ces institutions furent très utiles à l’industrie. Voilà comment l’Angleterre a pu, dans sa lutte de géant contre Napoléon Ier, supporter des budgets qui sont allés au-delà de 100 millions sterling, c’est-à-dire à près du triple de la moyenne des budgets de la France.

Je prie le lecteur de me pardonner un troisième exemple, tiré aussi de l’histoire de nos voisins les Anglais. Mon excuse, c’est que je voudrais rendre moins incomplètes et plus concluantes les indications générales tirées de l’expérience qui se rapportent au problème financier imposé à la France par ses désastres de 1870-1871. En 1839 et 1840, la situation des finances anglaises était peu satisfaisante; le produit des impôts était stationnaire, si même il ne décroissait. Le parti whig, porté au pouvoir par le contre-coup de la

  1. Dans l’Angleterre proprement dite et le pays de Galles, — ce qui constitue le plus important de beaucoup des trois royaumes, — les associations destinées à faire la banque ne pouvaient avoir plus de six membres. Cette disposition, inscrite dans la loi pour favoriser la Banque d’Angleterre, empêchait les banques par actions, qui eussent pu réunir de grands capitaux. C’est en Écosse surtout que les banques ont été à l’usage des artisans industrieux et des propriétaires.