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est déjà telle avec les frais accessoires que le revenu de plusieurs années en est absorbé. Dans ce cas, l’impôt détruit une partie du capital, ce qui est déplorable pour l’intérêt privé et pour l’intérêt public. Il est notoire que dans le cas des petits héritages, alors qu’il y a des mineurs, ou quand il faut procéder à l’expropriation, les frais d’enregistrement cumulés avec les frais de timbre montent à peu près au niveau de la valeur de la propriété même. Sous l’empire, un projet de loi avait été présenté pour prévenir désormais cette ruine des petits propriétaires accomplie par les mains du fisc. Le projet n’avait pas encore abouti quand survint la révolution du 4 septembre, quoiqu’il fût au corps législatif depuis trois ans. L’exagération nouvelle que viennent d’éprouver les droits d’enregistrement et de timbre aggravera ces maux déjà bien graves.

Le timbre fixe d’un décime sur les quittances est au contraire un impôt qui se défend très bien : il ne s’y attache aucuns frais de perception, il ne fait pas perdre une minute aux contractans, et dans chaque cas particulier il est insensible. Il rend 10 millions.

Les impôts nouveaux du chef de l’enregistrement et du timbre, tels qu’ils furent votés dès l’abord, montaient à 113 millions. Il a été ajouté depuis un demi-décime sur les actes extra-judiciaires, qui n’est pas sans inconvénient, et dont on attend 5 millions. On retirera 13 millions de l’augmentation du timbre sur les effets de commerce et 1 million des chèques; cette dernière disposition n’est pas heureuse, car il importait de donner toute facilité à l’extension de l’emploi du chèque; l’entraver pour se procurer 1 million est une mesure peu réfléchie. On a ainsi pour l’enregistrement et le timbre un accroissement de 132 millions sur quelques parties duquel il y a fort à redire. On peut assimiler à ces impôts le droit dit de statistique qui grève les transactions en s’ajoutant aux droits de douane; par sa modicité et par la rapidité de la perception, il est à l’abri de toute critique. Il rend 6 millions, ce qui ferait pour cette catégorie un total de 138.

Parmi les nouveaux impôts qui ont affecté le commerce et les diverses professions manufacturières, il en est peu qui aient causé autant de mécontentement et provoqué autant de plaintes que l’aggravation des patentes. Cette mesure, regrettée aujourd’hui de beaucoup de ceux qui l’ont votée, est un dérivé du projet de juin 1871 contre les matières premières. Après le vote du 19 janvier 1872, qui barra le chemin à ce dessein malencontreux, les opposans à l’impôt des matières premières furent attaqués avec virulence. On prétendit que les manufacturiers et les commerçans n’avaient repoussé l’impôt que par égoïsme, et qu’ils prétendaient ne pas avoir leur part des charges nouvelles. Ils répliquèrent qu’on les accusait injustement, qu’ils étaient atteints comme les contribuables en général