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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 4.djvu/552

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manquent de bonne volonté ou d’aptitude. Plusieurs des directeurs-généraux qui se sont succédé depuis le commencement du siècle ont été des hommes remarquables. M. Conte, qui remplit ces fonctions pendant la majeure partie du règne de Louis-Philippe, était un homme d’une énergie intelligente et infatigable. Sous l’empire, M. Stourm entre autres fut un esprit éclairé, désireux du progrès, et le directeur-général actuel passe pour un excellent administrateur. Mais il y a dans la situation politique de cette administration un vice radical qui de plus en plus y rend les améliorations difficiles et lentes. L’administration des postes est englobée dans le ministère des finances, ce qui a fait prendre l’habitude de la considérer comme fiscale avant tout et de vouloir qu’elle produise du revenu; quant à bien servir le commerce, ce n’est que secondaire. Le directeur-général des postes est vis-à-vis du ministre des finances comme un subordonné sans pouvoir propre. Dans d’autres pays où l’on tient grand compte des besoins des commerçans et des producteurs en général, aux États-Unis et en Angleterre par exemple, la doctrine dominante, avouée, proclamée, est que la poste n’est pas une institution fiscale, et que tout ce qu’on doit lui demander, c’est de se suffire à elle-même. Pour que cette règle libérale, si conforme à l’intérêt des affaires, soit respectée, le chef du service est indépendant des ministres. Il est ministre lui-même ou il en a le rang et la prérogative. Aux États-Unis, le postmaster-general est un des dignitaires du gouvernement au même degré que le ministre des finances ou de l’intérieur, ou de la marine. En Angleterre, où il porte le même nom, il est un fonctionnaire politique autonome, changeant quand le cabinet change, et le plus souvent il est membre du cabinet; c’est le cas au moment actuel. Tant qu’on n’aura pas reconnu en France les avantages de ce système et qu’on ne se le sera pas approprié, l’administration des postes sera impuissante. Elle n’obtiendra pas les fonds qui seraient nécessaires à l’extension ou au perfectionnement du service. On la traitera comme une vache à lait qu’il est permis de traire sans pitié. Le travail national en souffrira.

Pour la télégraphie, qui est séparée de la poste et n’est pas comme elle sous la loi de l’administration des finances, le tarif d’avant la guerre était très modéré, très favorable aux affaires : 50 centimes quand on ne sortait pas du département, 1 franc pour la France entière. En outre, les bureaux se multipliaient rapidement. Depuis 1871, pour avoir du revenu, on a modifié les taxes. Celle de 50 centimes a été portée à 60, ce qui est insensible au public ; celle de 1 franc a été accrue un peu plus fortement, elle a été mise à 1 fr. 40 cent.; il eût été mieux de s’arrêter plus bas. A 1 franc, les dépêches de département à département se fussent multipliées plus vite.