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n’est pas une affaire d’argent; ce sont des règlemens à changer, de nouvelles habitudes à imprimer, et les compagnies elles-mêmes s’en trouveraient bien. Pour ce qui est de l’extension du réseau des chemins de fer, dont nous sommes loin d’avoir ce qu’il nous faut[1], on doit s’en remettre aux grandes compagnies agissant dans leur liberté, aux compagnies indépendantes trop dédaignées et aux compagnies d’intérêt local qu’on opprime. Les localités se chargeraient volontiers d’aider ces dernières. L’état semble ne devoir supporter qu’une faible partie du débours total; mais, le bloc étant très gros, son concours se traduirait encore par une forte somme.

Pour la navigation intérieure et pour les ports maritimes, c’est l’état au contraire qui devra supporter la presque totalité de la dépense. La canalisation du territoire a absorbé déjà de très grands capitaux et elle est loin d’avoir rendu des résultats proportionnés. Le développement de notre puissance productive exige que cette œuvre, qui est à peu près suspendue, soit reprise activement, avec une idée d’ensemble qui n’existe plus, si jamais elle a existé. Un ouvrage magistral sur cette question compliquée a paru récemment sous la forme de rapports à l’assemblée nationale; il est de l’honorable M. Krantz. On y voit ce qui reste à faire pour tirer bon parti de ce qui est déjà fait, et pour rendre au pays de nouveaux et grands services qu’il réclame justement. On y apprend qu’il serait possible, avec 7 millions seulement, de rendre la Seine praticable de Paris à la mer pour des navires tirant 3 mètres. D’autres entreprises également utiles seraient plus coûteuses. Notre climat tempéré, où les chômages dus à la gelée sont de très courte durée, aurait dû nous porter davantage aux travaux de canalisation.

Nos ports maritimes, même les plus fréquentés, sont loin d’être aménagés et outillés aussi bien que ceux de l’Angleterre, de la Belgique, de la Hollande. La différence est grande entre Marseille et Liverpool, entre Le Havre et Anvers, entre Bordeaux et Glasgow, entre Cette ou Dunkerque et Amsterdam. Notre infériorité sous ce rapport est affligeante. Nous avons besoin de construire de nouveaux bassins à flot, des cales de radoub, des docks bien disposés, dans certains cas des digues à la mer. Nos procédés d’embarquement et de débarquement sont défectueux. Nos moyens de dragage sont vieillis. Ces lacunes, pour être comblées, exigent une étude approfondie de ce qui existe ailleurs; mais il y faudrait beaucoup d’argent. Il n’est pas possible que, soit pour les travaux maritimes, soit pour la navigation intérieure, c’est-à-dire pour les canaux et pour le perfectionnement

  1. M. Bouffet, ingénieur des ponts et chaussées, dans une brochure qui n’est pas irréprochable, mais où abondent cependant les aperçus justes et les renseignemens exacts, a établi que nous possédons moins de chemins de fer, toute proportion gardée, que la plupart des nations éclairées de l’Europe.