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L’ORIGINE DES ÊTRES

II.[1]
LA SÉLECTION NATURELLE ET LA SÉLECTION SEXUELLE


I.

L’auteur de l’ouvrage sur l’Origine des espèces a rencontré des mots qui font penser, — c’est être vraiment heureux. Après la lutte pour l’existence, il a inventé la sélection naturelle, un acte qui, avec le temps, devrait amener parmi les créatures toutes les métamorphoses imaginables. Au premier abord, l’expression a pu séduire comme si elle transportait l’esprit au milieu d’un monde encore inconnu; l’idée que M. Darwin y attache a frappé comme si elle allait devenir la source d’une immense révélation. Chez les plantes cultivées et les animaux domestiques, on est parvenu à fixer certains caractères par le choix persistant des reproducteurs, — par la sélection, selon le terme maintenant consacré; alors, oubliant la tendance des êtres à revenir au type primitif dès qu’ils échappent à des conditions d’existence factices, oubliant l’instinct qui porte les animaux à se soustraire à toute influence capable d’exercer une action sur l’organisme, oubliant plus encore l’attrait de la dissemblance pour les individus, il ne paraissait point trop étrange de supposer qu’au sein de la nature s’accomplit, par une loi fatale, une épuration continuelle, une véritable sélection.

Dans l’hypothèse de la variation indéfinie, l’avenir appartiendrait toujours aux individus les plus robustes, les plus beaux, les mieux doués. Dans la réalité au contraire, les avantages exceptionnels se

  1. Voyez la Revue du 15 juin.