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ornées de vives couleurs[1] se mêlent avec les héliconies, elles volent aux mêmes lieux, l’allure ne diffère nullement, et chaque espèce est le sosie d’une héliconie particulière. On a maintenant l’explication du phénomène. La piéride est privée de la sécrétion qui garantit l’existence de l’héliconie; n’exhalant aucune odeur, elle est protégée par la ressemblance. Comme les individus de l’espèce sans défense sont peu nombreux en comparaison de ceux de l’espèce puante, cette circonstance nécessaire, ainsi que le remarque M. Wallace, ne permet guère aux oiseaux de tenter la fortune. Les piérides ne sont pas les seuls lépidoptères dont le costume et l’apparence générale offrent l’imitation des héliconies, l’avantage appartient aussi à quelques espèces de la famille des nymphales.

Dans les pays chauds, il est assez ordinaire de voir des papillons de certains types qui dominent par le nombre, et parmi eux des espèces d’un autre genre ou d’une autre famille qui présentent absolument les mêmes couleurs et le même aspect. Le phénomène n’est pas rare en Afrique, et M. Wallace en a observé beaucoup d’exemples dans l’Inde, à Java, à Sumatra, à Timor, à Ceram. En Europe, une conformité de coloration a été dès longtemps signalée entre des représentans de groupes fort différens. Dans nos campagnes volent au bord des sentiers et se posent sur les plantes basses les zygènes et l’euchélie du séneçon ayant également des ailes d’un vert bronzé, ornées de taches rouges comme le plus beau carmin. Dans nos bois, c’est une phalène toute blanche qui semble avoir besoin de se confondre avec un papillon de jour, une piéride. On doit croire que les espèces les plus communes ont un moyen de défense analogue à celui des héliconies, et que les autres en sont privées. Quelques expériences laissent peu de doute à cet égard ; des oiseaux et des lézards qu’on approvisionne d’insectes rejettent certaines espèces après les avoir goûtées. Parmi les lépidoptères, les représentans d’une famille affectent toute l’apparence des guêpes et des bourdons, ce sont les sésies. A la faveur de la ressemblance, ces êtres faibles, incapables d’opposer la moindre résistance, paraissent terribles.

Les divers ordres de la classe des insectes fournissent de curieux exemples d’imitation. Des charançons à longues antennes<ref> Des anthribines des contrées tropicales. <//ef> et des capricornes vivant dans les mêmes localités portent pareille livrée. Plusieurs capricornes, dont les élytres sont courtes, offrent une physionomie de guêpes. Des parasites qui s’introduisent dans les nids des hyménoptères trompent par les couleurs, par la villosité du corps, par les allures. Sous ce rapport, de grosses mouches qu’on

  1. On en a formé le genre Leptalis.