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à une époque reculée est sorti l’homme, la merveille et la gloire de l’univers. » Voilà les belles idées qu’on donne comme le flambeau de la science moderne ! La vieille cosmogonie de quelque peuple de l’Asie ne pourrait guère sembler plus étrange que cette conception; peut-être serait-elle présentée dans une forme plus poétique.

Dans le livre sur l’Origine des espèces, la sélection sexuelle est seulement indiquée; dans l’ouvrage sur la Descendance de l’homme, c’est un tableau de vaste proportion. Chez une infinité d’animaux, les individus des deux sexes ne se distinguent par aucun signe extérieur; mais souvent aussi parmi les insectes, les oiseaux, les mammifères, il existe entre les mâles et les femelles des différences très notables. Parfois les mâles sont pourvus de moyens de préhension, d’instrumens de musique ou de combat qui manquent aux femelles; sur ces dernières, ils possèdent en général l’avantage de la beauté. On a déjà compris que, suivant l’opinion d’un partisan de l’évolution perpétuelle, c’est autant de gagné par la sélection. La lutte des mâles pour la possession d’une compagne, et les choix convenables qu’on juge habituels de la part des femelles, seraient l’origine des perfections qu’on admire chez le coq et le faisan, chez le papillon et la cigale. Pensons à ces prodiges de la sélection sexuelle.

M. Darwin n’aperçoit point la nature d’une différence souvent facile à constater entre les individus des deux sexes ; un point essentiel qu’il importe d’envisager. Dans une foule d’espèces, le développement est à peu près le même pour le mâle et la femelle ; mais aussi, dans un grand nombre d’animaux, il y a sous ce rapport une inégalité plus ou moins considérable. La femelle se trouve arrêtée dans son développement plutôt que le mâle; elle demeure alors dans un état d’infériorité sensible, quelquefois énorme. Le fait s’offre à tous les yeux avec un singulier caractère d’évidence chez les lampyres si connus sous le nom de vers luisans, et chez certains bombyx. Tandis que les. mâles sont en possession de tous les avantages ordinaires, les femelles, privées d’ailes, ressemblent encore à des larves. La comparaison du lion et de la lionne, du cerf et de la biche, du coq et de la poule, donne bien l’idée d’un développement plus complet et d’une véritable supériorité chez le mâle. Jusqu’à un certain moment de la vie, les individus des deux sexes demeurent pareils. Pour devenir adultes, les uns avancent un peu plus que les autres. Par une exception limitée à quelques groupes de la classe des insectes, chez les hyménoptères industrieux, ce sont les femelles qui l’emportent sur les mâles; elles ont en propre des signes de perfection organique. Nous ne pensons pas qu’avec la sélection sexuelle on explique d’une manière satisfaisante l’inégalité de développement des mâles et des femelles.

Tout naturaliste est très persuadé que les animaux les plus élevés