Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 4.djvu/638

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

résidence. Quant au désarmement général de la population, prescrit dans un des articles, l’expérience a déjà montré bien des fois combien toute mesure de ce genre est difficile à appliquer en Sicile. D’ordinaire les désarmemens opérés à la faveur de l’état de siège ne servaient qu’à mettre les honnêtes gens à la merci des coquins : ceux-ci en effet parvenaient toujours à éluder le décret soit en cachant leurs armes, soit en ne livrant que les plus mauvaises. L’état de siège une fois levé, couteaux et fusils reparaissaient au grand jour et les choses reprenaient leur cours ordinaire. Le Sicilien avant tout tient à être armé, dût-il ne jamais user de ses armes pour un mauvais coup; lui enlever son fusil, c’est le déshonorer, amoindrir sa dignité d’homme. Les armes d’abord, la femme après, prima l’armatura e poi la moglie, dit le proverbe, et le mot est caractéristique dans un pays où, comme à Palerme, les femmes sont gardées avec une jalousie tout orientale.

Si donc l’on veut que le nouveau projet de désarmement, après tant d’autres, ne reste pas sans effet, il faut que les armuriers et fabricans de poudre soient tenus d’avoir dans leur boutique un registre exact de leurs acheteurs, et que tous ceux qui auront vendu à un individu dépourvu de permis des armes ou des munitions soient punis très sévèrement. Une autre mesure indispensable pour la sécurité publique, c’est que les Siciliens condamnés à une longue détention accomplissent leur peine non plus dans l’île même, mais dans les prisons et les bagnes des autres provinces de l’Italie. On leur enlèverait ainsi tout espoir d’être délivrés par une insurrection, comme ils y comptent toujours; du même coup, on trancherait les fils secrets qui unissent les coquins du dehors à la population des prisons et des galères, et qui en dépit de toute surveillance sont plus nombreux et plus forts en Sicile que partout ailleurs. Vers la fin de 1865, un malandrin condamné par la cour d’assises de Palerme à dix années de travaux forcés, après que le président eût lu la sentence, se leva tranquillement et dit qu’on s’était trompé, que la durée de sa peine était de cinq ans seulement et non de dix, car en Sicile tous les dix ans une révolution ouvrait les galères, et sur ce nombre cinq ans déjà étaient écoulés.

Quant à l’institution du jury et aux réformes qu’il convenait d’y apporter, une loi vient de paraître dans la Gazette officielle d’Italie, datée du 8 juin dernier, et qui doit entrer en vigueur à partir du 1er janvier de l’année prochaine. Après avoir réglé tout au long avec un soin presque minutieux quelles personnes peuvent faire partie du jury et quelles en sont exclues, la loi nouvelle édicté diverses peines, variant de six mois à cinq ans de prison, contre tous ceux qui, avant ou durant le cours des débats, soit directement, soit par intermédiaire, auront usé de présens, de menaces ou de tout autre