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LE MALANDRINAGGIO EN SICILE.


De fait, la loi n’avait aucune autorité; connivence ou faiblesse, le jury montrait envers les coupables la plus honteuse indulgence, et parfois, comme nous l’avons dit, en dépit d’un verdict d’acquittement, le général Medici, de son chef, dut retenir en prison des coquins avérés. Sur la fin de 1871, une loi spéciale permit d’en agir ainsi; mais il était trop tard. L’opposition avait pris prétexte de ces illégalités nécessaires ; elle se plaignait de subir le régime du sabre et réclamait à grands cris la division des deux pouvoirs, civil et militaire. A l’avènement du ministère Minghetti, dont l’opinion s’était prononcée dans le même sens, le général crut de son devoir de présenter sa démission. Les vives polémiques de la dernière année avaient un peu diminué son prestige aux yeux des Siciliens, et l’état de la sûreté publique s’en était aussitôt ressenti. Pourtant, quand il quitta Palerme, la situation était infiniment meilleure qu’en 1868.

Son départ a été le signal d’une débâcle, et, bien que les fonctionnaires qui l’ont remplacé ne manquent, de l’aveu de tous, ni d’énergie ni d’habileté, les plus mauvais jours du malandrinaggio sicilien sont déjà revenus. Il y a un mois à peine, la chambre de commerce de Palerme adressait au gouvernement une pétition qui est un véritable cri d’alarme. Les malandrins impudemment tiennent la campagne, arrêtent et séquestrent les voyageurs pour en tirer d’énormes rançons. Nul jusqu’ici n’avait jamais eu confiance dans la justice criminelle ordinaire; mais tel est le discrédit où la police elle-même est aujourd’hui tombée qu’aux environs de Palerme, lorsqu’une personne riche a été arrêtée, la famille fait tout son possible pour que l’autorité administrative ne se mêle de rien, et préfère traiter directement avec les bandits, de peur de ne recouvrer plus qu’un cadavre. Les deux dernières victimes des malandrins dont on cite les noms sont le baron Porcara et le baron Sgadari. Leurs familles viennent de payer, la première 130,000, la seconde 125,000 francs en or pour leur rançon. La police en revanche n’a pu mettre la main sur personne.

La loi sur la sécurité publique, votée au parlement italien en 1871, contenait déjà d’heureuses dispositions. Ainsi, en cas d’évidence et lorsque, faute de preuves légales, le pouvoir judiciaire est impuissant à sévir lui-même, l’autorité a le droit de compléter l’action répressive de la police et d’infliger au coupable les peines voulues. La loi permet aussi, pour prévenir les délits, d’avertir officiellement tout individu suspect ou même de lui imposer un lieu de