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pas eu l’air de saisir aux cheveux l’occasion de ne rien faire. M. le duc de Broglie, dans un discours des plus habiles et des plus soignés, s’est efforcé de démontrer qu’il n’y avait rien au monde de plus inutile et de plus dangereux que la proposition de M. Casimir Perier, qu’aussitôt après avoir accepté cette motion on allait se trouver en face du chaos, de toutes les divergences possibles, de toutes les anciennes constitutions républicaines et des opinions contraires des théoriciens de toutes les écoles de la république. Il y avait de quoi se perdre à la recherche de la solution d’un tel problème ! C’était piquant et habilement tourné ; mais quoi ! M. Dufaure a spirituellement et raisonnablement répondu : on ne se préoccuperait ni des constitutions anciennes ni des opinions des théoriciens, on consulterait tout simplement l’intérêt public ; on chercherait, non à conformer l’organisation nouvelle à d’anciennes constitutions mortes de mort violente, mais à l’approprier aux besoins du pays. Était-ce là une politique inutile ou dangereuse ? était-ce impossible ? Puisque M. le duc de Broglie se portait si vivement au combat contre la politique du centre gauche, puisqu’il contribuait par son éloquence au succès de la droite, c’était à Irty désormais de prendre la direction de la campagne d’organisation, et l’échec de la proposition Perier ne devait être que le prélude des lois constitutionnelles telles que les entend la majorité. Pas du tout, c’est au contraire le moment où l’on s’est hâté de chercher une issue vers les « rives boisées du Cousin, » comme dit le général Changarnier. À défaut des combinaisons de M. Casimir Perier dont on ne veut pas, ce qu’on trouve de mieux à proposer, c’est d’aller prendre l’air des champs et de gagner du temps.

Ce n’est qu’un ajournement momentané, dit-on ; l’assemblée reviendra dans quelques mois reposée, fortifiée, et prête à voter l’organisation des pouvoirs qu’on lui demande. Malheureusement c’est une tactique connue, épuisée. Déjà en 1873, à pareille époque, on ajournait l’examen des lois constitutionnelles présentées par M. Dufaure ; mais on s’engageait positivement à reprendre cet examen dès la première semaine de la session d’hiver. Au mois de novembre, la prorogation était votée, on décrétait d’urgence la formation d’une commission constitutionnelle, et la commission, sachant bien ce qu’on attendait d’elle, s’est hâtée avec une sage lenteur ; elle a fait des études sur les législations anciennes et modernes. Aux dernières vacances d’avril, c’était sûrement pour le mois de mai, il y avait promesse authentique, et M. le duc de Broglie, alors vice-président du conseil, prenant au sérieux les engagemens contractés, présentait son projet de chambre haute ; M. le duc de Broglie a su le 16 mai ce qu’il en coûtait, il est tombé sur le coup, renversé par ceux qui l’ont aidé l’autre jour à repousser la proposition de M. Casimir Perier. Maintenant ce sera sans faute au mois de décembre, au mois de janvier 1875, ou plus tard, si Dieu le veut et s’il y a une majorité, La vérité est que ces atermoiemens successifs déguisent