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assez mal une impuissance qu’on ne veut pas avouer, et que dans cette majorité, qui a semblé se retrouver récemment pour des votes tout négatifs, s’il y a des hommes qui voudraient sincèrement des institutions sérieuses, il y a aussi des partis qui ne veulent ni de l’organisation de la république, ni de l’organisation des pouvoirs du maréchal de Mac-Mahon. C’est à ceux-ci qu’on a donné le gage de l’ajournement pour les rallier au scrutin, pour refaire une majorité d’un moment plus apparente que réelle, et les derniers votes sont leur victoire, leur bien, qu’ils revendiquent d’ailleurs assez haut. Qu’en résulte-t-il seulement ? C’est que cette assemblée, tiraillée, divisée, livrée à la tyrannie des partis, en vient à n’être ni une assemblée constituante, puisqu’elle ne peut rien constituer, ni une assemblée ordinaire poursuivant régulièrement d’utiles travaux, et en définitive c’est le régime parlementaire lui-même qui est atteint à la longue dans sa considération, comme il est altéré dans ses conditions les plus essentielles et dans son efficacité.

Ce qui vient de se passer n’est donc point une victoire pour l’assemblée, et c’est encore moins une victoire pour le gouvernement, qui a joué un peu trop le rôle d’un solliciteur éconduit et satisfait. Les modifications qui se sont produites dans le ministère et qui ont mis M. Mathieu-Bodet à la place de M. Magne aux finances, l’honorable général de Chabaud-Latour à la place de M. de Fourtou à l’intérieur, ces modifications sont-elles le signe d’une évolution politique ? Évidemment il y a eu depuis quelques jours un certain embarras, un certain malaise et même certaines contradictions, sinon dans la pensée, du moins dans l’action du gouvernement. Il y a trois semaines tout au plus, M. le président de la république adressait à l’assemblée ce message qui a retenti dans le pays et qui n’a produit une si vive impression que parce qu’il ressemblait à un programme p-récis et énergiquement dessiné. M. le maréchal de Mac-Mahon n’hésitait point à demander à la chambre « la prompte exécution » des engagemens pris envers lui ; il déclarait qu’à ses yeux les questions constitutionnelles « ne devaient pas rester plus longtemps en suspens, » que le repps des esprits l’exigeait aussi bien que l’intérêt des affaires ; il adjurait l’assemblée de « compléter son œuvre, » de « délibérer sans retard. » Fort bien ! le pays s’émeut à ce langage et prend confiance. Quinze jours sont à peine écoulés, ce n’est plus cela, le cabinet, plein d’une modestie extrême, consent à l’ajournement des lois constitutionnelles. Or quelle est au fond la signification de cet ajournement ? Il y a des indiscrets de l’extrême droite qui ne le cachent pas : pour eux, c’est une réponse au message et un avertissement pour M. le président de la république, de sorte que le gouvernement se donne un faux air de faiblesse devant ceux qui sont le plus acharnés à lui refuser l’organisation qu’il demande, dont il a besoin. Que gagne le gouvernement à cette alliance ? On vient de voir ces jours derniers ce qui en est. Dans la commission de prorogation, un député a