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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 4.djvu/773

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nous devons rappeler comme des noms chers à la science ceux de Lesson, Quoy, Leprieur, Gaudichaud et Souleyet, tous sortis du corps de la médecine navale, de même qu’en Angleterre Robert Brown, Joseph Hooker et Huxley ont été médecins de la marine au début de leur carrière scientifique.

Dans les voyages que je viens d’énumérer, les naturalistes s’occupaient surtout de l’exploration et de l’étude des terres nouvelles que le navire abordait dans son périple autour du monde. La mer et ses habitans étaient à peu près négligés; on ne ramassait guère que les coquilles échouées sur le rivage. L’exemple de Pérou, qui dragua le premier à une certaine profondeur, n’avait pas été suivi. Une phase nouvelle s’ouvre actuellement dans l’histoire des voyages maritimes, la mer devient l’objectif principal des explorateurs. Les terres, mieux connues, sont abandonnées aux naturalistes sédentaires qui les habitent ou peuvent s’y transporter facilement. M. Blanchard, M. de Saporta, M. Esquiros, ont rendu compte ici même[1] des heureuses tentatives faites en 1868 et 1869 par les naturalistes anglais pour sonder les profondeurs de l’Atlantique et ramener à la surface les animaux qui les habitent. Nous les rappellerons en peu de mots. C’est un de leurs compatriotes, Edward Forbes, enlevé jeune encore à la science, qui, dans la mer Egée, essaya le premier de tracer des zones zoologiques bathymétriques; il déclara qu’elles ne dépassaient pas 550 mètres de profondeur. Cependant déjà en 1845 le compagnon du malheureux sir John Franklin, Harry Goodsir, péchait dans le détroit de Davis des animaux par 730 mètres de fond. En 1855, un Américain, Bailey, de Westpoint, muni de sondes perfectionnées, trouvait des foraminifères et des spicules d’épongés à des profondeurs comprises entre 1,830 et 3,650 mètres. En 1860, la sonde du Bull-dog ramenait en pleine Atlantique des animaux vivant à une profondeur aussi considérable. Sur les côtes de Norvège, Sars, limité par son appareil de sondage, mais multipliant ses opérations, trouvait dans une zone comprise entre 350 et 550 mètres 427 espèces, parmi lesquelles on remarque 36 échinodermes (oursins, astéries), 133 mollusques et 106 arthropodes ou animaux à pattes articulées; il y découvrit aussi des êtres appartenant par leurs formes plutôt aux faunes éteintes et devenues fossiles, qu’à celles qui vivent dans les mers actuelles. Avec l’aide du service hydrographique des États-Unis, Agassiz et de Pourtalès exploraient en 1866 et 1867 les eaux du gulf-stream, sur les côtes de la Floride. La Société royale de Londres, frappée de ces résultats et de ceux obtenus par les efforts personnels de MM. Wyville-Thomson et Carpenter sur les côtes d’Angleterre,

  1. Voyez la Revue du 15 janvier et du 1er juillet 1871 et du 1er juin 1873.