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PRUDENCE PALFREY

IV [1].

Nous avons laissé Prudence Palfrey frappant à la porte du pasteur avec un sentiment d’inquiétude inexprimable. Le pasteur ne répondit pas, elle frappa de nouveau. — Il devient un peu dur d’oreille, pauvre homme ! dit Salomé ; il aurait dû entendre pourtant, ajouta-t-elle. Parlez-lui, mignonne, il ne manquera toujours pas de reconnaître votre voix.

Prudence approcha ses lèvres de la serrure et appela : — Monsieur le curé, c’est moi, Prudence, ne voulez-vous pas me parler ? Dans le silence qui suivit, interrompu seulement par la respiration rapide des deux femmes, rien n’indiqua qu’il eût fait un mouvement vers la porte. Prudence se redressa, et regardant Salomé :

— Qu’a-t-il pu arriver ? dit-elle.

— Le bon Dieu le sait, répliqua Salomé, gagnée par son effroi.

— Ne serait-il pas sujet à des faiblesses, à des vertiges ?..

— Il y a deux ou trois semaines, mon maître a eu en effet quelque chose comme un étourdissement.

— Alors il a dû s’évanouir. Vite une lumière ! Attendez, Salomé, je vais avec vous.

Pour rien au monde, Prudence ne fût restée seule ; il lui semblait qu’une présence impalpable flottât au travers de la bibliothèque : les ombres s’amoncelaient bizarrement dans chaque coin ; la robe de chambre jetée sur une chaise faisait penser à une forme humaine ; tous les objets familiers prenaient dans le crépuscule un aspect étrange, fantastique. Les deux femmes coururent donc ensemble chercher une bougie, que Salomé alluma tremblante au feu de la cuisine, puis, en silence, pâles comme des spectres, elles retournèrent à la bibliothèque.

— Que faire ? demanda Salomé.

  1. Voyez la Revue du 15 juin.