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méditative; sa foi souhaite que celle du vieillard soit exaucée comme elle-même voudrait être exaucée à l’occasion; mais avec quelle ferveur dévotieuse prie cette vieille femme, et quelle ardeur à prendre sa part de la cérémonie, qui est faite pour une autre, à entrer par la prière dans une action où elle ne figure pas ! En face, sur un banc de pierre, un jeune acolyte revêtu de la robe ecclésiastique orientale soulève un instant ses yeux du livre où il lisait avec l’attention d’un jeune Grec avide de s’instruire, et promène sur cette scène le regard de sa studieuse indifférence.

Parmi ces scènes italiennes de Claude Bonnefond, il en est une qui n’aurait pas été indigne d’un Théocrite et qui mériterait d’être traduite par un grand poète idyllique, s’il en existait encore. Un paysan romain ou sicilien et son jeune fils se sont courbés vers leur chèvre, étendue sur le sol et en voie de rendre son âme à la nature. Le vieux paysan, les yeux brillans de larmes, semble chercher où est le siège du mal; l’adolescent soulève la tête de l’animal avec la dextérité d’une garde-malade accomplie et porte à ses lèvres, qui s’en détournent, un peu de vin de Sicile; mais la chèvre reste affaissée sur le bras de l’enfant et dit par ce qui lui reste encore de langueur que tout remède est vain désormais. On ne saurait dire lequel des trois personnages est le plus touchant et le plus naïf. Bonnefond n’a pas peint que des scènes de genre italiennes, il s’est-essayé aussi dans les scènes anecdotiques de la vie française contemporaine, et il y a porté le même esprit d’observation et la même vérité de sentiment. Un de ses tableaux surtout mérite d’être signalé, le Mauvais Propriétaire. Un féroce possesseur d’immeuble vient de monter dans la mansarde où loge une pauvre famille d’artisans, et de signifier à ses locataires en retard qu’ils aient à décamper au plus vite et à laisser ses greniers libres pour des gens plus solvables. Le désespoir de la famille a été rendu avec une énergie poignante; il y a là surtout un geste de vieillard impotent, cloué par l’âge sur sa chaise, qui est d’une éloquence admirable. « Hélas ! monsieur, ayez pitié ! » voilà ce que dit ce geste, une des meilleures expressions de l’impuissance suppliante que j’aie vues. C’est le genre de pathétique et la mise en scène de Greuze quelque peu transformés par le sentiment et les procédés du réalisme contemporain.

Moins riche que la salle de peinture, la salle de sculpture se compose presque uniquement d’œuvres modernes dont quelques-unes sont d’ailleurs fort belles. Je veux citer très particulièrement une Odalisque accroupie de Pradier où le marbre est véritablement devenu chair. Il est impossible de rêver quelque chose de plus impur et d’une plus étourdissante habileté d’exécution. Le reste se composant en grande partie d’œuvres soit d’artistes de Lyon, tels