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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 4.djvu/891

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insensible les rendit plus tard propriétaires héréditaires. Dans les états de Hollande, l’ordre de la noblesse ne comptait que 7 membres; ils se recrutaient par cooptation, — tous ensemble n’avaient qu’une voix dans le vote. Après la mort du Taciturne et jusqu’en 1584, trente-deux villes se faisaient représenter aux états; mais à partir de 1608 il n’en resta plus que dix-huit, les autres laissèrent prescrire leur droit pour éviter les frais occasionnés par l’envoi des députés; c’est ce qui s’est vu souvent dans l’histoire des institutions politiques : autant de droits ont été abandonnés par indifférence et parcimonie que ravis ou supprimés par violence. Chaque ville avait sa voix et son banc; elle envoyait le nombre de députés qu’elle voulait, ordinairement un bourgmestre, quelques échevins, et toujours le pensionnaire, qui prenait la parole et émettait le vote[1]. Les objets peu importans pouvaient seuls se régler à la majorité des voix; pour tout ce qui concernait les situations de la province, il fallait l’unanimité. Les députés juraient de ne voter que conformément à leurs instructions, et, quand ils n’en avaient point reçu, ils devaient demander une remise de l’affaire pour en demander à leurs commettans. Toutes les affaires étaient donc discutées et décidées au sein des collèges des villes. On comprend qu’avec les complications inouïes d’un semblable régime et les retards auxquels elles donnaient lieu, il fallait un grand bon sens et un esprit public très puissant pour qu’on pût arriver à une résolution.

Les états provinciaux se réunissaient quatre fois par an et étaient présidés par le pensionnaire provincial. La convocation aux sessions indiquait les objets à l’ordre du jour; ils étaient ainsi d’avance examinés et décidés dans les collèges communaux et au sein de l’ordre de la noblesse. Les états provinciaux nommaient un collège permanent chargé de l’exécution de leurs résolutions et connu sous le nom de gedeputeerde staten ou gecommisteerde raden. Cette institution était excellente, — conservée et rétablie en Belgique et en Hollande, elle y rend de grands services. La « députation permanente » nommée par les états en était le pouvoir exécutif; elle gérait les finances, les affaires militaires et tous les intérêts provinciaux conformément aux décisions des états. Un personnage qui jouait un rôle considérable et que rien ne remplace dans nos organisations administratives actuelles, c’est le pensionnaire, raadpensionaris. Les villes avaient également leur pensionnaire, nommé d’abord landsadvokat ou « avocat du pays. » Il avait pour mission de défendre

  1. La manière dont se discutaient et se décidaient les affaires au sein des états provinciaux est parfaitement décrite dans une courte étude du célèbre romancier néerlandais Van Lennep, intitulée Een Vergadering der Staten van Holland (une Réunion des états de Hollande).