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mais parmi ces procédés un seul est économique et propre aux applications industrielles. L’indigo est trop cher pour qu’on puisse songer à l’utiliser comme une source d’aniline ; le goudron de houille lui-même en donne par la distillation sèche une quantité trop faible pour qu’il puisse servir de matière première directe à cette fabrication. C’est indirectement, par la benzine que renferment les huiles légères, que le goudron fournit de l’aniline en aussi grande quantité qu’on le désire.

Pour expliquer le passage de la benzine à l’aniline, il sera utile de rappeler en quelques mots les principes à l’application desquels la chimie organique doit ses récens progrès. La constitution des innombrables corps qui existent dans la nature semble pouvoir se ramener à un petit nombre de types, dont les plus importans sont les types hydrogène, eau, ammoniaque. Ce qu’on appelle la molécule d’hydrogène libre se compose d’un atome d’hydrogène associé avec un autre atome d’hydrogène (HH) ; la molécule d’eau renferme deux atomes d’hydrogène avec un atome d’oxygène (H2-O), la molécule d’ammoniaque trois atomes d’hydrogène avec un atome d’azote (H3Az). Dans ces groupes, on peut, sans troubler l’équilibre, remplacer un ou plusieurs atomes par un ou plusieurs atomes d’un autre corps, et ce corps sera appelé monoatomique, diatomique, triatomique, si un de ses atomes équivaut, au point de vue des substitutions, à 1, 2 ou 3 atomes d’hydrogène. L’hydrogène, le chlore, l’iode, sont monoatomiques, — l’oxygène, le soufre, le fer, diatomiques, — l’azote, le phosphore, triatomiques, etc. Par ces sortes de substitutions, on obtient des séries de corps offrant un certain ensemble de caractères communs qui rappellent qu’ils appartiennent aux mêmes types. Or les élémens qui se remplacent ainsi ne sont pas nécessairement des corps simples ; il existe une foule d’atomes complexes qu’on appelle radicaux composés, et qui jouent un rôle de tout point analogue à celui des atomes simples : tels sont le méthyle (CH3), qui représente le radical de l’alcool méthylique ou esprit de bois, — l’éthyle (C2H5), le radical de l’alcool ordinaire, — le phényle (C6H5), que l’on considère comme le radical de l’acide phénique. Le méthyle, l’éthyle, le phényle, sont des radicaux monoatomiques. En substituant 1 atome de méthyle à 1 atome d’hydrogène dans l’hydrogène libre, l’eau ou l’ammoniaque, nous avons respectivement le gaz des marais (CH4), l’esprit de bois (CH4O), la méthylamine (CH5Az). En opérant les mêmes substitutions avec un atome de phényle, on obtient la benzine (C6H6), l’acide phénique (C6H6O), et l’aniline ou phénylamine (C6H7Az). On voit que la benzine est en quelque sorte un hydrogène phényle, l’acide phénique une eau phénylée, l’aniline une ammoniaque phénylée. En remplaçant dans