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houille sont un mélange d’hydrocarbures dont les points d’ébullition varient de 40 à 200 degrés. Elles renferment les corps connus sous les noms de benzine, de toluène, d’acide phénique, d’aniline.

La benzine a été découverte en 1825 par Faraday ; mais ce n’est qu’en 1848 qu’un jeune chimiste anglais, Charles Mansfield, trouva moyen de la produire industriellement sur une grande échelle par la rectification des huiles légères du goudron. Lorsqu’elle est pure, c’est un liquide incolore d’une saveur sucrée et d’une odeur agréable ; mais la benzine du commerce est rarement pure, elle sent le goudron. Ce précieux liquide dissout parfaitement les corps gras, les essences, la résine, et on l’emploie avec avantage à dégraisser les étoffes, parce qu’il s’évapore sans laisser de traces et sans nuire au lustre ni à la couleur du tissu.

Le produit qui nous intéresse ici d’une manière particulière, l’aniline, a eu un sort assez bizarre : il était depuis longtemps à la fois connu et ignoré, découvert à quatre reprises différentes et désigné sous quatre noms, quand M. Perkin, en 1856, signala les applications industrielles auxquelles se prête ce corps. Dès 1826, Unverdorben avait signalé parmi les produits de la distillation sèche de l’indigo une substance huileuse à laquelle il donna le nom de cristalline. Huit ans plus tard, un chimiste allemand, M. F. Runge, en agitant de l’huile de goudron avec du chlorure de chaux pour essayer de la débarrasser de son odeur désagréable, constata avec surprise que la solution de chlorure qui se déposait après quelque temps de repos s’était colorée en bleu foncé. Comme le chlore a pour propriété caractéristique de décolorer les substances organiques, cette teinte bleue annonçait l’existence d’un principe nouveau que M. Runge réussit à extraire de l’huile de goudron et qu’il nomma kyanol (huile bleue). Il en décrivit plusieurs propriétés remarquables et proposa même, mais en vain, d’en entreprendre la fabrication industrielle. À cette époque, la chimie organique naissait à peine : ni la cristalline, ni le kyanol ne furent analysés, et personne ne soupçonnait une relation entre ces deux principes. Vers 1840, un troisième chimiste, M. Fritsche, en étudiant l’action de la potasse sur l’indigo, en retira une huile particulière dont il fit l’analyse et à laquelle il donna le nom d’aniline, dérivé du mot anil, qui est le nom portugais de l’indigo. Presque en même temps M. Zinine obtenait la même substance par une transformation de la benzine, et l’appelait benzidam. C’est le célèbre chimiste A.-W. Hofmann, alors simple étudiant, qui par des analyses faites avec soin démontra que les quatre substances en question étaient identiques, et depuis lors elles ne portent plus en chimie que le nom d’aniline. On voit que l’aniline peut être obtenue par des voies très diverses ;