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en proportion à peu près égale. En substituant au salpêtre le chlorate de potasse, M. Fontaine a obtenu une poudre encore plus énergique, mais dont la préparation présente de graves dangers, témoin la terrible explosion qui, au mois de mars 1869, eut lieu à Paris sur la place de la Sorbonne. Le picrate de soude a également causé des accidens de ce genre dans les fabriques de couleurs, et ce n’est pas sans une certaine appréhension qu’on peut voir des milliers de kilogrammes de cette substance expédiés par les chemins de fer.

L’acide rosolique, qui est un autre produit dérivé du phénol, fournit la belle couleur rouge qu’on appelle péonine ou coralline, et une couleur bleue, l’azuline ; la couleur brune appelée phénicienne est également dérivée de l’acide phénique.

La naphtaline est un hydrocarbure solide que l’on extrait avec facilité et avec abondance des huiles lourdes du goudron de houille ; elle a une odeur forte et persistante qui permet de la substituer au camphre pour préserver les pelleteries et les oiseaux empaillés. Les principes colorans dérivés de la naphtaline n’ont pas offert jusqu’à ce jour les caractères d’éclat et de solidité qui les rendraient propres à la teinture ; néanmoins on a plus d’une raison pour croire que cet hydrocarbure si abondant et si facile à purifier jouera tôt ou tard un rôle quelconque dans la fabrication des couleurs. Déjà la naphtaline a été sur le point de supplanter la garance ; beaucoup de chimistes ne doutaient plus qu’il ne fût possible de réaliser à l’aide de cet hydrocarbure la synthèse de l’alizarine, qui est le principe colorant de cette racine si importante pour l’art du teinturier. La synthèse en question se dégageait comme un séduisant mirage des équations établies entre l’alizarine et les produits dérivés de la naphtaline ; mais, toutes les fois qu’on essayait de faire passer ces conceptions théoriques dans le domaine de la réalité, l’alizarine artificielle se dérobait comme l’or que cherchaient les alchimistes. Tant d’efforts ne devaient pourtant rester sans résultat : il y a quelques années, on est parvenu à faire naître l’alizarine d’un hydrocarbure dérivé du goudron de houille, seulement ce n’est pas la naphtaline qui en a fourni le moyen. L’alizarine artificielle s’obtient avec l’anthracène[1].


II.

La garance est une plante herbacée qui a été cultivée dans le Levant depuis les temps les plus reculés, et qui était connue également des Égyptiens, des Perses, des Indiens ; c’est d’ailleurs ce qu’attestent les belles couleurs de certaines étoffes d’origine très

  1. On représente la naphtaline par la formule C8H8 ; celle de l’anthracène est C14H10