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ancienne. Le nom français du rubia tinctorum vient de varantia, mot qui signifie vraie couleur. Du Levant, la garance fut importée en Italie, puis en France. Au xvie siècle, on commença à la cultiver en Hollande, tandis qu’elle avait disparu en France. Charles-Quint la fit planter en Alsace et Colbert dans le comtat d’Avignon ; mais ce n’est que vers la fin du siècle dernier que ce genre de culture s’établit réellement dans le midi de la France. De nos jours, la garance est cultivée dans toute l’Europe méridionale, en Algérie, aux Indes, en Amérique. Cette plante appartient à la famille des rubiacées, une des plus intéressantes de la série végétale, car elle referme le caféier, le quinquina, l’ipécacuanha, etc. Nos rubiacées indigènes sont des plantes rustiques ; la garance y figure à côté du gaillet, du grateron, de l’aspérule. Le pouvoir colorant du rubia tinctorum réside tout entier dans la racine, qui se vend sous le nom d’alizari. Le nom de garance s’applique indifféremment à la plante entière ou à la racine séchée et moulue, telle qu’elle est livrée aux teinturiers.

Dans le département de Vaucluse, les terres qui conviennent le mieux à la culture de la garance sont d’anciens marais desséchés qui s’étendent de l’Isle à Entraigues et qu’on appelle les paluds. Les racines qu’elles fournissent sont connues dans le commerce sous le nom d’alizaris palud, et présentent une coloration rouge à l’intérieur, qui en révèle le pouvoir tinctorial, tandis que les racines cultivées dans les terrains argileux (alizaris rosés), de couleur jaune rougeâtre, sont moins riches en matière colorante[1]. Les conditions de température et d’humidité exercent une grande influence sur le développement de la plante. Le sol, quel qu’il soit, doit être défoncé en automne ; au mois de mars, on pratique une forte fumure, un labour croisé, on passe la herse et on sème dans des sillons ouverts avec la houe. On peut aussi repiquer les jeunes racines. Au commencement de l’hiver, on recouvre la plante d’une couche de terre. La floraison a lieu en juillet ; vers le milieu d’août, on coupe les tiges avec la faucille. Après la séparation de la graine, qui s’obtient par un simple battage, les tiges et les feuilles constituent un excellent fourrage. En novembre, la garance, alors âgée de dix-huit mois, est arrachée soit au louchet, soit à la charrue, et l’on fait sécher la racine au soleil. À dix-huit mois, un champ de 3 ares fournit environ 400 kilogrammes de racines fraîches, qui se réduisent à 100 kilogrammes par la dessiccation, et se vendent alors en moyenne de 65 à 70 francs. Le département de Vaucluse livre annuellement à la consommation 40 millions de kilogrammes d’alizarine, représentant une valeur de 25 à 30 millions de francs.

Dans les polders hollandais, on opère par boutures ou provins, et

  1. p. Schützenberger, Traité des matières colorantes, Paris 1867.