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tellement impur que déjà l’on voit s’établir des raffineries spéciales qui n’ont d’autre objet que de purifier l’anthracène livré par les distillateurs de goudron. Cela prouve assez que ces derniers ont grand tort de ne pas raffiner davantage le produit qu’ils livrent au commerce.

En dehors de la naphtaline et de l’anthracène, on a trouvé dans les huiles lourdes de goudron sept ou huit autres hydrocarbures solides et une base azotée, l’acridine[1], qui irrite les muqueuses et, respirée, provoque des éternumens violens, très gênans pour les ouvriers employés à cette fabrication. Jusqu’à présent on n’a pu retirer du goudron qu’environ 1/2 pour 100 de son poids d’anthracène ; mais en soumettant le brai à un traitement approprié, le rendement s’élève dans une très forte proportion : le goudron et le brai donnent ensemble jusqu’à 2 pour 100. Le produit rectifié par les raffineries renferme au moins 70 pour 100 d’anthracène pur. On arrive à le purifier complètement par un courant d’air ou par sublimation. Aucun des bitumes naturels que l’on connaît ne semble pouvoir fournir de l’anthracène, le goudron de houille reste donc la seule source d’où l’on puisse le retirer en abondance.

Pour obtenir l’alizarine artificielle, on commence par convertir l’anthracène en anthraquinone[2] en y introduisant deux atomes d’oxygène à la place de deux atomes d’hydrogène par l’intervention de l’acide chromique. Cette transformation avait été déjà exécutée par Anderson, qui en 1862 a publié des recherches très étendues sur les hydrocarbures peu volatils du goudron de houille. Pour passer de l’anthraquinone à l’alizarine, il ne restait plus qu’à introduire dans ce corps deux nouveaux atomes d’oxygène ; mais l’anthraquinone résiste à l’action des agens oxydans, et l’oxydation directe, si elle réussit dans les essais de laboratoire, n’est guère possible dans la pratique, où il s’agit d’opérer en grand. On n’arrive au but que par des moyens détournés, par des transformations successives. MM. Graebe et Liebermann ont d’abord traité l’anthraquinone par le brome ou le chlore ; le produit de cette réaction, fondu avec de la potasse caustique, leur a donné de l’alizarine de potasse, qui, décomposé par un acide, a enfin donné l’alizarine. Un grand nombre d’autres procédés ont été ensuite brevetés par des chimistes industriels qui sont parvenus à simplifier et à rendre plus économique la préparation de l’alizarine artificielle. Ce produit se vend d’ordinaire en pâte plus ou moins impure : il y a deux ans, elle ne contenait souvent pas plus de 5 pour 100 d’alizarine ; aujourd’hui

  1. C1H9Az.
  2. La formule de l’anthracène étant C14H10, celle de l’anthraquinone est C14H8O2 et celle de l’aliazarine C14H8O4.