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REVUE. — CHRONIQUE.

de nous créer partout des ennemis sans nous assurer un seul appui. Que le gouvernement regarde autour de lui, qu’il interroge les événemens, la situation délicate où il se sent placé ; c’est cette intervention incessante, brouillonne des légitimistes cléricaux qui lui a suscité des embarras pénibles, soit en le compromettant par des manifestations dont on pouvait se faire une arme contre lui, soit en l’exposant à des accusations de connivence dont il a été plus d’une fois réduit à se dé-* fendre. 11 n’a pu triompher de ces embarras que par une prudence attentive, en s’élevant au-dessus de l’esprit de parti, en s’inspirant de l’intérêt national, en réagissant contre les excitations de ceux qui passaient pour ses amis.

Il a réussi dans une suffisante mesure sans doute ; M. le duc Decazes a conduit nos affaires extérieures avec une habite dextérité. Il en est résulté seulement cette situation toujours assez tendue, laborieuse, où l’on n’est jamais sûr d’être à l’abri d’un incident. Un jour, c’est M. l’archevêque de Paris qui, à son retour de Rome, croit devoir se livrer à des récriminations nouvelles contre l’Italie, et qui oblige le gouvernement à le désavouer, à le blâmer même assez sévèrement pour une immixtion contraire aux cordiales relations rétablies entre les deux pays. Un autre jour, c’est l’appui prêté par les légitimistes à don Carlos qui devient un sujet de plainte pour l’Espagne, et qui, chose plus grave, fournit à M. de Bismarck un prétexte de s’introduire dans les affaires espagnoles.

Qu’en est-il donc aujourd’hui de ce dernier incident, qui un moment a pu avoir une apparence de gravité, et qui va sans doute aboutir à la reconnaissance du gouvernement de Madrid par les puissances de l’Europe ? Il y a deux choses dans les affaires espagnoles. Il y a d’abord une question entre la France et le gouvernement de Madrid ; celle-là ne pouvait être longtemps sérieuse, elle devait naturellement s’éclaircir aux premières explications. Il s’agissait des secours que les carlistes peuvent trouver sur notre frontière des Pyrénées. Le cabinet espagnol pouvait d’autant moins se méprendre sur les intentions, sur la politique du gouvernement français, que, lorsqu’il a envoyé il y a quelques semaines un ambassadeur à Paris, cet ambassadeur, M. le marquis de La Vega y Armijo, quoique non reconnu, a été reçu en représentant d’un pays ami et avec la meilleure grâce par M. le président de la république comme par M. le ministre des affaires étrangères. M, le duc Decazes n’avait plus du reste à témoigner ses sympathies personnelles pour l’Espagne libérale, qu’il connaît, qu’il aime depuis longtemps, depuis qu’il faisait partie de la légation française à Madrid. Les préférences de M. le ministre des affaires étrangères ne sont certes pas pour les carlistes, de sorte que, lorsque M. le marquis de La Vega y Armijo a pu produire quelques réclamations au nom de son gouvernement, l’effet de ces réclamations était d’avance affaibli par la réception