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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 5.djvu/217

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Moulineaux, près Meudon ; sa voix ressemblait tantôt à celle d’un taureau en fureur, tantôt à celle d’un ours chagriné. Il avait en vain tenté de charmer la belle Alie. La fille du druide avait engagé son cœur au prince de Noisy, cousin du roi Dagobert et du vidame de Gonesse. Elle n’eut que du dédain pour le géant des Moulineaux et le repoussa durement en le traitant de nain et de perroquet. Cette insulte entraîna les plus graves conséquences. Le géant avait à son service pour intendant et pour conseiller intime un bélier vraiment extraordinaire. Ce bélier connaissait tous les mystères des sciences occultes, et pouvait, en fait d’enchantemens, le disputer à Merlin. Il mit sa science à la disposition de son maître, et dès ce moment une lutte sans trêve et sans repos s’engagea entre le druide, la belle Alie, le prince de Noisy d’une part, le géant et le bélier de l’autre. Celui-ci était sur le point de triompher, lorsque l’enchanteur Merlin arriva fort à propos de la Basse-Bretagne pour porter secours au druide, qui avait perdu son grimoire, et se voyait toujours battu par le bélier. D’après son conseil, le prince de Noisy provoque en duel le géant des Moulineaux. Il le tue, à la plus grande satisfaction des spectateurs du combat ; la belle Alie le récompense de sa fidélité et de sa valeur en lui donnant sa main avec son cœur, qu’il possédait déjà, « et jamais mariés ne furent plus contens. »

Depuis la première ligne jusqu’à la dernière, la raillerie déborde dans les contes d’Antoine Hamilton, dans le Bélier aussi bien que dans Zénéide et les Quatre Facardins. Il en est de même de l’abbé de Voisenon, historiographe de France et grand-vicaire de Boulogne. Le spirituel abbé se rit de tout, excepté de l’église, des femmes lorsqu’elles sont vertueuses, des hommes lorsqu’ils sont honnêtes et sérieux. « Mondor, dit-il dans l’un de ses contes, celui qui porte pour titre : Il eut tort, était un jeune homme malheureusement né ; il avait l’esprit juste, le cœur tendre et l’âme douce ; voilà trois grands torts qui en produiront bien d’autres. En entrant dans le monde, il s’appliqua principalement à tâcher d’avoir toujours raison. On va voir comme cela lui réussit. Il fit connaissance avec un homme de la cour ; la femme lui trouva l’esprit juste, parce qu’il avait une jolie figure ; le mari lui trouva l’esprit faux, parce qu’il n’était jamais de son avis. La femme fit beaucoup d’avances à la justesse de son esprit ; mais, comme il n’en était point amoureux, il ne s’en aperçut pas. Le mari le pria d’examiner un traité sur la guerre, qu’il avait composé, à ce qu’il prétendait. Mondor, après l’avoir lu, lui dit tout naturellement qu’en examinant son ouvrage il avait jugé qu’il ferait un fort bon négociateur pour un traité de paix. Dans cette circonstance, un régiment vint à vaquer. Un petit marquis avorté trouva l’auteur de cour un génie transcendant, et traita la femme comme si elle eût été jolie. Il eut le régiment,