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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 août 1874.

C’est la saison des voyages et des fantaisies ; c’est le moment où Paris, quelque peu abandonné par les Parisiens, est visité par les provinciaux ou les étrangers, et pour sûr Paris vient de recevoir une visite imprévue, celle du roi Louis de Bavière en personne. Le jeune souverain bavarois aime les arts et le romanesque, il s’est échappé un beau jour furtivement de son royaume d’Allemagne sans avoir consulté les augures, et prenant un habit couleur de muraille, le masque d’un nom d’emprunt, il est venu en bonne fortune auprès des hamadryades du parc de Versailles, qui l’ont fort bien reçu, dit-on. Ce n’est point là certainement une conspiration dangereuse pour la sûreté de l’empire allemand, et il n’y a pas de quoi exciter les nerfs de M. de Bismarck, toujours occupé à surveiller les menées séparatistes ou ultramontaines. Le roi de Bavière est venu sans éclat, il est reparti sans bruit, hôte mystérieux et passager de ce Paris, qui en dépit de tout, pour le monde comme pour les personnages couronnés, est et sera toujours Paris, quelque chose de plus qu’une capitale de Béotie. Le prince allemand pouvait venir sans crainte, visiter à son aise nos parcs, nos palais et nos musées, il était bien sûr de ne pas trouver la politique sur son chemin. La politique, où donc est-elle dans ce temps de villégiature et de dispersion ? Elle n’est, il est vrai, ni à Versailles, où tout ce qui reste de vie parlementaire se concentre dans une séance insignifiante de la commission de permanence, ni à Paris, où le gouvernement ne fait que passer. Elle n’est nulle part, si l’on veut, et elle est un peu partout, disséminée, flottante, se mêlant au mouvement intime des choses, nous revenant sous toutes les formes, parce qu’en définitive on a beau se mettre en vacances, aller au bord de la mer, en Suisse ou dans son village, on emporte le souvenir des efforts inutiles d’hier, le souci de demain, le sentiment de l’incertitude universelle.

La politique pour le moment, elle est en province, dans les manifestations des partis, dans des incidens qui ne laissent pas quelquefois