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salut et de triomphe la France et le pape. En d’autres termes, M. l’évêque d’Angers demande à M. le maréchal de Mac-Mahon de commencer la pacification, la régénération de la France par une croisade pour le pontificat temporel, c’est-à-dire par une déclaration d’hostilité contre l’Italie, — ce qui prouve que la petite remontrance adressée, il y a quelques semaines, par le Journal officiel à M. l’archevêque de Paris, n’est point parvenue jusqu’à Angers. Ainsi tout se mêle et se heurte. Au milieu de cette confusion cependant le dernier voyage de M. le président de la république et la dernière élection bonapartiste du Calvados ne laissent pas de trancher sur la monotonie d’une politique de vacances, et de préciser une fois de plus la situation. Peut-être même au fond entre ces deux faits y a-t-il un lien plus intime qu’on ne le croirait. Dans l’un et dans l’autre, c’est toujours la question du gouvernement de la France qui reparaît et se resserre invinciblement.

Quelle est la signification réelle de ce voyage présidentiel qui vient de s’accomplir ? quelle en a été l’idée inspiratrice et quel effet a-t-il produit ? Assurément M. le président de la république n’a point perdu de temps, il a montré l’activité d’un soldat qui sait employer les heures. En quelques jours, il a visité presque tout l’ouest, Le Mans, Rennes, Saint-Malo, Saint-Brieuc, Brest, Lorient, Saint-Nazaire, Nantes, Angers ; il a écouté des harangues, passé des revues, inspecté des ports et des arsenaux, exploré le bassin de la Loire, consacrant le jour aux fêtes officielles, montant le soir en chemin de fer au sortir d’un banquet et recommençant chaque matin les cérémonies de la veille. Personnellement M. le maréchal de Mac-Mahon était d’avance assuré de rencontrer partout sur son chemin les respectueuses sympathies qui ne lui ont pas manqué ; politiquement on peut dire que ce voyage a gardé jusqu’au bout un certain caractère énigmatique ou diplomatique qui tient sans doute à la situation difficile créée au chef de l’état par les incidens qui ont marqué la fin de la session parlementaire. Au fond, à part les banalités invariables, quelle est la pensée explicite ou atténuée qui revient avec le plus de persistance dans un certain nombre de ces adresses et de ces discours qui se sont succédé au Mans, à Saint-Malo, à Brest ou à Nantes ? Cette pensée, exprimée au nom du commerce ou de quelques conseils électifs, c’est que le travail national, languissant d’incertitude, a besoin de cette organisation des pouvoirs publics qu’on ne cesse de réclamer, d’institutions assurant aux affaires des garanties de fixité.

Les intérêts sont ici d’accord avec la politique, et on peut les croire, ils n’ont pas l’habitude de se payer de chimères. Évidemment ce n’est point un sentiment d’hostilité qui inspirait ces discours, puisqu’on ne faisait que reproduire les opinions, les pressantes instances des messages présidentiels. Non-seulement on respectait l’autorité du maréchal de Mac-Mahon dans son caractère, dans sa durée, mais encore ceux qui loi parlaient ainsi se servaient presque de son langage pour exposer leurs