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— Tu es infidèle, toi, ma femme ! Tu me trahis avec Dobosch. Penses-tu que je sois aveugle ?

— Comment oses-tu croire cela ? s’écria cette femme hautaine avec rage, car elle tenait fort à son honneur. Veux-tu que je te jure ?..

— Jure, si tu peux…

— Je jure que je te suis fidèle !..

— Pas là-dessus ! s’écria Stéphane furieux en lui arrachant une pierre de la ceinture, jure sur ton âme ! — Dzvinka devint pâle comme une morte. — Jure maintenant !

Elle resta muette. — Te voilà donc prise ?

— Eh bien ! répliqua la femme adultère avec hauteur, tu m’as forcée à dire la vérité, goûte maintenant ce qu’elle a d’amer, avale-la et qu’elle t’étouffe, pauvre homme ! Oui, moi, ta femme, j’aime Dobosch, et nous avons passé un joyeux temps chaque fois que tu t’es éloigné du logis. Es-tu satisfait ?

— Donne-moi du poison, tu nous rendras service à tous les deux ! fit Stéphane d’une voix sourde.

L’impudente leva les épaules. — À quoi bon ? je suis tranquille sans cela. Si je t’avais supposé assez de courage pour entreprendre quelque chose contre nous, il m’eût été facile de te faire clouer pieds et poings à ma porte ; mais je ne te crains pas.

— Je te dis, femme, que je lui brûlerai la cervelle.

— Tu n’es pas de force, tes balles ne l’atteindraient pas, et ses brigands te feraient mourir dans les supplices.

— Qu’il en soit ainsi ! du moins tu ne me traiteras plus de lâche.

— À la bonne heure ! repartit Dzvinka, voici que tu parles presque comme un haydamak. Pourquoi n’as-tu pas été toujours aussi hardi ? Je n’aurais jamais permis à un autre de m’ôter les souliers. Ah ! si tu étais capable de tuer celui que personne ne peut atteindre, ce serait quelque chose ! mais il est invulnérable !

Stéphane grinça des dents et s’en alla parcourir la forêt tel que le loup qui cherche une proie. Lorsqu’il regagna son logis, il était rompu de fatigue, et tomba comme un mort, mais il ne put pourtant dormir.

Bientôt Dobosch vint chez sa maîtresse, elle l’entendit siffler, et dit à son mari : — Va-t’en, voici Dobosch, décampe !

Stéphane sortit comme un voleur par une fenêtre de sa propre maison, et la belle Dzvinka ouvrit la porte à son amant. Lorsqu’elle l’eut enivré de vin, d’hydromel et d’amour au point de lui faire perdre la raison, elle se mit à le questionner, car depuis longtemps elle était curieuse de savoir s’il était vraiment invulnérable. — Quelle