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par an à Zanzibar, tandis que la culture de l’île m’en exige par an que 2,000 ou 3,000, et il tombe sous le sens que les 17,000 ou 18,000 esclaves non employés sont exportés. C’est là une statistique que la perception à Zanzibar et le marché public permettaient d’établir aisément. Le marché public fermé, le commerce ne se perpétuera-t-il pas néanmoins ? Le transport des esclaves à Zanzibar étant interdit, la surveillance devenant assez active pour arrêter tout passage par contrebande et l’île cessant enfin d’être un entrepôt, la traite sera-t-elle efficacement combattue ? C’est à ces demandes que sir Bartle répondra dans l’enquête par sa déposition.


III.

Lors de l’enquête de 1871, les dépositions de sir Bartle Frere et de M. Vivian, haut fonctionnaire du foreign office, sont particulièrement intéressantes. M. Vivian fait l’historique des négociations poursuivies ; il sait à fond la question. Sir Bartle Frere discute les témoignages des personnes entendues, consuls, chefs d’escadres, commandans de bâtimens isolés. Il repousse les conseils qui vont à l’emploi des moyens extrêmes ; il s’occupe du sort des malheureux esclaves plus que des profits que la Grande-Bretagne doit retirer d’une intervention active, et il met en avant six propositions qui comprennent les modifications à apporter au système suivi jusqu’alors. C’est aussi l’exposé du régime nouveau qui allait prévaloir, puisque sir Bartle Frere devait recevoir la mission d’appliquer sur les lieux le système qu’il formulait d’après l’expérience acquise au cours de ses fonctions de gouverneur de la présidence de Bombay, de qui dépend en même temps que du foreign office le consul et agent politique anglais à Zanzibar. « Notre premier soin, dit sir Bartle, doit être de nous concilier les Arabes, de les gagner à notre opinion et de bien leur montrer que ce que nous voulons est dans leur intérêt. » Il n’admet pas l’intervention dans les règlemens intérieurs du pays et dans la perception des impôts. Repoussant le projet de diminuer le revenu du sultan, comme le projet de l’indemniser par des taxes à lever sur les sujets indiens, sir Bartle propose à son tour une série de mesures préventives conçues dans un autre esprit. La première serait de limiter le transport des esclaves de la terre ferme à Zanzibar. On ne peut s’opposer, au moins pour un temps, à ce que les habitans de Zanzibar recrutent les travailleurs par la traite ; mais on doit empêcher que, sous le prétexte des besoins du pays, on n’amène un grand nombre d’esclaves destinés à être transportés au dehors. Sir Bartle désire que des bâtimens légers, à vapeur, aillent chercher les esclaves à la côte, de sorte que les voyages d’une part soient plus rapides que sur les barques à voiles et moins pénibles